Vatican News au Rwanda : L’avenir bouché des réfugiés congolais

Reportage à Niyabiheke, dans le nord-est du pays, où se trouve l’un des cinq camps de réfugiés congolais au Rwanda.

Chaque année la représentation diplomatique américaine en Italie organise, en lien avec les agences de l’ONU basées à Rome (FAO, PAM, FIDA) un voyage de presse, invitant plusieurs journalistes à venir découvrir la réalité du travail de ces agences intergouvernementales dans les pays les plus vulnérables. Cette année, c’est le Rwanda qui a été choisi. Notre journaliste Olivier Bonnel a été invité au nom de Vatican News, avec cinq confrères de pays différents. Du 28 mai au 1er juin, ils ont pu découvrir et travailler sur les problématiques de développement, de pauvreté et de réfugiés de ce petit pays enclavé entre RDC, Ouganda et Burundi, qui fait rarement la une de l’actualité.

 

Olivier Bonnel-Envoyé spécial à Niyabiheke ( Rwanda)

C’est une petite ville informelle faite de murs de terre séchée et de toits en taule ou plastique. 14600 personnes vivent à Niyabiheke, dans le nord-est du pays, l’un des cinq camps de réfugiés congolais au Rwanda.

Depuis plusieurs années, Niyabiheke vit au rythme des vagues de réfugiés qui ont fui le Nord et Sud Kivu de la RDC voisine, des régions gangrenées par la violence des milices.

A l’intérieur du camp, le HCR, le PAM et d’autres ONG sont installés dans des bâtiments blancs en préfabriqué. De grandes tentes ont été dressées où sont préparés les repas enrichis fournis par les agences intergouvernementales pour les enfants les plus vulnérables et les femmes enceintes.

Un compte en banque

Ici, 100% des repas sont assurés par le PAM. Mais la nouveauté est la mise en place, depuis 2014, d’un programme de transfert d’argent. Les réfugiés, enregistrés préalablement par le HCR ont eu la possibilité d’ouvrir un compte en banque. Chaque mois ils reçoivent la somme de 7500 francs rwandais (7,5 euros). Un petit pécule qui leur permet de s’acheter des vivres.

L’idée lancée par le gouvernement rwandais est l’intégration progressive des réfugiés dans la communauté nationale. Les enfants du camp se mélangent déjà aux petits Rwandais à l’école primaire voisine.

Le PAM et les autorités rwandaises sont fiers de montrer leur politique volontariste. Niyabiheke est un site pilote de cette tentative d’autonomiser les réfugiés. Le représentant du district de Gatsibo ne cache pas sa satisfaction : au Rwanda, les réfugiés sont bien traités.

Pas de cimetière pour les morts

Mais derrière le discours officiel, la réalité est plus nuancée. Justin Byiringiro préside le comité représentant les réfugiés de Niyabiheke. Il est arrivé en 2004 dans le camp, à l’âge de 15 ans. Le représentant du gouvernement ne le lâche pas d’une semelle. Quand Justin arrive à lui fausser compagnie, on arrive enfin à en savoir un peu plus sur les conditions de vie des réfugiés.«Il y a de nombreux problèmes, explique le jeune homme, personne ne peut être heureux comme réfugiés».

En cause d’abord, le manque d’espace et de terre cultivable : la pression foncière est immense au Rwanda et si en Ouganda voisin les réfugiés se voient confier une parcelle de terrain, c’est ici impossible.

«Nous n’avons pas de cimetière, quand on doit enterrer un proche, on creuse là où l’on peut, et on tombe sur des os», déplore Justin, levant les yeux au ciel.

Vers une véritable intégration ?

Même le programme de versement de cash fait grincer des dents. «Que voulez-vous que je fasse avec 7500 francs par mois !» s’écrie Davin, arrivé au camp en 2005 après avoir fui les miliciens Maï-Maï qui sévissent dans le Sud-Kivu.

Regine Mukawa, 45 ans, vit elle avec ses trois enfants. «L’argent versé me sert à acheter du riz et des haricots, mais n’est pas suffisant» explique cette veuve qui a laissé deux filles en RDC, et dont elle n’a plus de nouvelles depuis 10 ans. «Alors j’achète un peu de charbon de bois pour le revendre et me faire quelques sous» précise-t-elle.

Les réfugiés de Niyabiheke n’osent pas penser à leur avenir. Quelques jeunes, ces dernières années ont pu rallier l’université. Mais si le gouvernement rwandais leur a toujours ouvert la frontière et souhaite une intégration progressive, il leur est difficile d’imaginer sereinement leur contribution à l’avenir du Rwanda. A défaut un jour de retourner dans leur pays.

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15 juin 2018, 18:48