Trois femmes sud-soudanaises dans la région du Bentiu, le 13 février 2018, à proximité d'un camp qui accueille 114 250 déplacés. Trois femmes sud-soudanaises dans la région du Bentiu, le 13 février 2018, à proximité d'un camp qui accueille 114 250 déplacés.  

Au Soudan du Sud, plus d’un tiers de la population est en mouvement

Salva Kiir et Riek Machar, deux hommes que tout opposent qui sont pourtant à la tête d’un seul et même pays, le plus jeune état du monde, le Soudan du Sud, plongé dans une guerre civile d’une rare violence. Les deux hommes doivent se rencontrer aujourd’hui à Khartoum au Soudan après une rencontre inédite en Ethiopie, la première depuis deux ans. Pour autant, le pays ne prend pas le chemin de la paix.

Marine Henriot - Cité du Vatican

C’est le plus jeune pays du monde, et aussi celui qui vit une des plus graves guerres civiles. Depuis 2013, le Soudan du Sud est ravagé par un conflit opposant deux hommes, le président Salva Kiir et le vice-président Riek Machar. Deux hommes puissants, qui sacrifient une population au banc de leurs ambitions personnelles. Deux hommes qui ont perdu la «notion du bien commun» explique Arnauld A. Akodjenou, coordinateur régional pour les réfugiés, conseiller spécial pour les réfugiés Sud-Soudanais auprès de l’UNHCR, le haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés. 

Les deux frères ennemis devaient pourtant écrire l’histoire du pays ensemble. A la suite de l’indépendance du pays en 2011 plébiscitée par 98% de la population, Salva Kiir et Riek Machar sont à la tête du Soudan du Sud. Le premier est président, le deuxième sera son bras droit. Une entente de très courte durée, en décembre 2013, Riek Machar dénonce l’attitude «dictatoriale» Salva Kiir, ce dernier accuse son vice-président de fomenter un coup d’Etat. Les affrontements politiques, entremêlés d’une guerre ethnique -Salva Kiir est issu de l’ethnie Dinka tandis que Riek Machar est Nuer, gagnent rapidement du terrain dans le pays.

Cessez-le-feu signé en janvier 2014, accord de paix en août 2015... malgré des promesses politiques, la situation dégénère dans le pays, où fourmillent «plus de 60 milices militaires», détaille le conseiller spécial pour les réfugiés Sud Soudanais.

Les civils premières victimes 

La guerre civile aurait déjà fait 300 000 morts, mais il est difficile d’avoir des chiffres officiels. Les Nations-Unies s'inquietent:

“Les exactions sur des civils commises par les deux camps ont atteint un rare degré d’intensité”

Parmi les 12 millions d’habitants, dont l’espérance de vie stagne à 55 ans, plus d’un tiers de la population est en mouvement dans son propre pays. «2,5 millions de réfugiés dans les pays qui ceinturent le Soudan du Sud et 2 millions de déplacés internes», explique gravement Arnauld A. Akodjenou. Près d’un millions de Sud-Soudanais sont actuellement accueillis en Ouganda, qui risque de craquer sous la pression migratoire. «Les réfugiés vivent avec les autochtones, avec les Ougandais qui sont là et vivent déjà dans des conditions relativement précaires. Ils leur manquent presque tout.» raconte le conseiller spécial.

En février 2017, l’état de famine est déclaré dans plusieurs régions du pays à la suite de la guerre civile, la sécurité alimentaire de la moitié de la population pourrait être menacée. Du gâchis pour un pays pourtant fertile, jouissant des richesses du Nil Blanc et de minerais et qui détient 75% des réserves de pétrole de l’ancien Soudan.

Une nonciature au Soudan du Sud

En juin, le Saint-Siège confirmait l’ouverture d’une nonciature au Soudan du Sud, «une bonne chose» selon Arnaud A. Akodjenou, «cela permettra de fédérer les efforts des Églises, afin de les voir intervenir auprès des populations qui souffrent» explique le représentant des Nations-Unies, qui salue l'intérêt du Saint-Père pour ce pays et rappelle que la solidarité internationale doit agir.

Retrouvez l’interview de Arnauld A. Akodjenou, coordinateur régional pour les réfugiés, conseiller spécial pour les réfugiés Sud Soudanais auprès de l’UNHCR, le haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés dans notre podcast.

Entretien avec Arnauld A. Akodjenou

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23 juin 2018, 11:42