Le cardinal Matteo Zuppi. Le cardinal Matteo Zuppi. 

Un rapport sur les abus lancé par l’épiscopat italien

«Il n’y aura aucune dissimulation, aucune résistance de la part des évêques. Nous prendrons les coups que nous devons prendre. Nous prendrons notre responsabilité. Nous le devons aux victimes, leur douleur est la priorité. Et nous le devons à la Sainte Mère l'Église», a affirmé le cardinal Matteo Zuppi, lors de sa première rencontre avec la presse en tant que président de la Conférence épiscopale italienne. Le rapport devrait être publié le 18 novembre.

Salvatore Cernuzio - Cité du Vatican

Interrogé sur la guerre en Ukraine, les armes nucléaires ou le chemin du Synode, l'archevêque de Bologne et tout nouveau président de la Conférence des évêques italiens, a avant tout abordé la question des abus. La «grande question» soulevée ces derniers mois par plusieurs associations qui demandent au successeur du cardinal Bassetti, comme premier engagement, d'apporter une réponse aux centaines de victimes en Italie et de confier à une commission indépendante, à la suite d'autres Églises européennes, une enquête pour faire la lumière sur les cas anciens et nouveaux de pédophilie commis par des membres du clergé.

Dans les locaux de l'Institut de la Très Sainte Marie Infante - un lieu familier car c'était son ancien jardin d'enfants - le cardinal Zuppi a annoncé un rapport sur les cas d'abus au sein de l'Église italienne et expliqué, pendant une heure, comment il serait articulé et à quelle fin.

Un rapport national

Lors de leur 76ème Assemblée plénière, les 223 évêques italiens ont élaboré un plan d'action «pour une prévention plus efficace du phénomène des abus» qui prévoient, outre le renforcement des centres d'écoute qui couvrent 70% des diocèses italiens, la mise en œuvre d'un premier rapport national sur les cas d'abus signalés ou dénoncés au réseau des services diocésains et interdiocésains ces deux dernières années, mais aussi le lancement d'une analyse des données sur les crimes présumés ou avérés commis par des clercs en Italie au cours de la période 2000-2021, conservées par la congrégation pour la Doctrine de la Foi.

Le rapport national sera élaboré avec la «contribution des centres indépendants» des instituts universitaires de criminologie et de victimologie. La publication est prévue pour le 18 novembre, jour choisi par la Conférence épiscopale italienne elle-même pour se souvenir des victimes et des survivants d'abus, en hommage à ces personnes dont la «douleur» constitue le point de départ de leur travail.

Un chemin italien

Un choix différent, donc, de celui adopté par les Églises d'Allemagne, de France, du Portugal et, plus récemment, d'Espagne. Il s’agit d’une «façon de faire italienne », a expliqué le cardinal Zuppi, en précisant à plusieurs reprises, avec des mots fermes, que cette décision n'est pas destinée à être «une manière de nous tisser des lauriers» ou de «nous soustraire et de nous cacher». Au contraire, il s’agit d’«une chose sérieuse, réelle» qui ne laisse pas de place à la controverse comme cela s'est produit, par exemple, en France avec les travaux de la commission Ciase qui ont donné lieu à des «discussions approfondies», a déclaré le cardinal Zuppi. «Nous ne voulons pas nous disputer, nous ne voulons pas nous écarter du sujet. Le rapport ne sert pas de sédatif mais à faire les choses sérieusement».

Les enquêtes remonteront jusqu’en 2000

C'est pour cette raison que la CEI a décidé de revenir et d’analyser les 21 dernières années et non pas de remonter jusqu'aux années 1940, comme c'était le cas dans les rapports élaborés dans les autres pays susmentionnés. «Sur les 20 ans, il n'y a pas d’échappatoire: c'est nous, cela nous implique directement. Cela nous semble beaucoup plus sérieux et cela fait beaucoup plus mal», a expliqué le prélat italien. «1945, c’était il y a 80 ans. Je crois que juger avec nos critères ce qui s’est passé il y a 80 ans, alors que déjà cela a été évalué d’une certaine manière, cela crée des difficultés», a poursuivi le cardinal, notant qu'il n'y avait pas de «résistance» parmi les évêques.

Contestation émise sur les délais de l’enquête

Le choix d'imposer ainsi un délai a toutefois été critiqué par certains participants à la conférence de presse, dont Francesco Zanardi, président de l'association Rete L'Abuso, lui-même victime d'un prêtre dans le passé, qui a souligné qu'il pourrait être «discriminatoire» d'analyser des cas relativement récents et d'exclure ceux qui se sont produits les années précédentes. Des cas, en outre, qui n'ont jamais été signalés à la justice parce qu'ils étaient prescrits, ni à l'Église qui les aurait ignorés. Même en ce qui concerne les réparations, a souligné Francesco Zanardi, il y a un risque de créer une inégalité car elles ne sont destinées qu'aux victimes d'abus commis ces vingt dernières années, alors qu'il y a des survivants qui souffrent encore de pathologies physiques et psychiques extrêmement graves en raison de crimes préalablement commis (1600 sont collectées par Rete L'Abuso). Après avoir écouté et pris des notes sur son agenda, le cardinal Zuppi a proposé de rencontrer Francesco Zanardi pour amorcer un dialogue. Il l’a également invité à se rendre auprès des services de police, soulignant que si l’État a des règles «pour nous il n’y a pas de prescription morale». Quant aux réparations, le cardinal Zuppi a déclaré que c'était «une question très ouverte». En tout état de cause, a-t-il ajouté, «le problème n'est pas seulement une question de quantité, nous avons aussi besoin de qualité. Il n'y a aucune volonté de ne pas donner de chiffres: la collaboration avec la Congrégation pour la Doctrine de la Foi le démontre

Une Église compagne de voyage

Sur la question des abus, mais aussi plus généralement sur la question des défis que l'Église italienne est appelée à affronter, le nouveau président de la Conférence épiscopale italienne a indiqué la voie de l'écoute. Une écoute qui doit «faire mal», comme il l'avait dit dans sa première déclaration quelques heures après sa nomination. Aujourd'hui, le cardinal a réitéré ce concept, exhortant l'Église à être «une Église qui écoute, comme une compagne de voyage et qui a l'attitude d'une mère qui veut recommencer à partir d’une marche faite ensemble». Les pandémies, le Covid et la guerre, «ont révélé que nous sommes tous frères. Nous devons faire mûrir cette conscience et l'Église doit trouver des réponses à la souffrance et aux questionnements sur le  sens» de la vie.

 

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27 mai 2022, 18:21