Un bateau transportant des personnes exilées aux abords de Lampedusa, en Italie, le 4 novembre 2021. Un bateau transportant des personnes exilées aux abords de Lampedusa, en Italie, le 4 novembre 2021.  

En Sicile, réintégrer les migrants, «un enjeu de dignité»

Sœur Marie-Claire Kabhuli Kerengi est religieuse et chirurgienne, originaire de la République démocratique du Congo. Depuis Palerme, elle témoigne de son engagement auprès des migrants de Sicile, et de leurs difficultés d'intégration au sein de la société italienne.

Claire Riobé - Cité du Vatican

Un peu plus de 1500 personnes migrantes ont rejoint l'ile de Lampedusa entre le 12 et le 17 mai. Parmi elles, quelques centaines se dirigeront dans les prochains jours vers Palerme, en Sicile, située à 350 kilomètres au nord de l'île italienne.

Sœur Marie-Claire Kabhuli Kerengie, religieuse des Servantes des pauvres, réside en Sicile depuis 27 ans. Cette religieuse, originaire de République démocratique du Congo et employée chirurgienne des hôpitaux de Palerme, se rend chaque mois dans les rues abandonnées de la ville. À la nuit tombée, elle accompagne bénévolement une équipe de l'Ordre de Malte et tente de sortir de la misère quelques personnes exilées croisées au bord de la route. Dans un entretien à Radio-Vatican Vatican News, elle témoigne de l’absence de lieux de formation proposés à Palerme aux migrants, pourtant essentiels pour aider à leur réintégration dans la société.

Palerme, terre de migration

Palerme, chef lieu de la Sicile, est à l'image de la région l'une des principales portes d'entrées des migrants vers l'Italie. Avec des résidents originaires de plus de 127 pays du monde, la population immigrée aurait presque triplé ces vingt dernières années, selon les chiffres communiqués en septembre 2021 par InfoMigrants«Il y a ici beaucoup, beaucoup de personnes de toutes les nationalités, originaires d’Afrique bien sûr mais également de pays de l’Est», considère Soeur Marie-Claire.


Dans les rues les plus reculées, à l’écart du centre-ville, des centaines des personnes exilées dorment à même le sol, manquant des soins les plus élémentaires. «Nous les voyons la nuit, couchés dans la rue, sans famille ni travail (…). Ils sont venus ici avec le souci de construire un futur meilleur, mais ce n’est malheureusement pas le cas.»

Des premiers secours au retour à la rue

Ces six dernières années, Palerme s'est rapidement organisée pour gérer l'arrivée par vagues de personnes migrantes. De nombreuses associations se mobilisent et se relaient quotidiennement afin d'apporter aux nouveaux venus des soins de première nécessité. «Chaque soir, un groupe va à la rencontre des migrants dans la rue, parmi lesquels des frères franciscains ou encore un groupe de la Mission espérance», confirme la religieuse palermitaine. 

Pourtant, après avoir été accueillis dans des centres de premiers soins, la plupart des hommes, femmes et mineurs retournent rapidement à la rue. Un vide institutionnel qui pèse lourd sur l'avenir des personnes exilées. «Personne ne les suit (…) alors ce sont ces gens que nous cherchons à récupérer, pour voir dans quelle mesure nous pouvons les réintégrer de nouveau dans la société.» 

La formation, première voie vers la réintégration

En février 2019, la municipalité de la ville a ouvert une «Maison des droits» afin de favoriser la coordonnation entre associations et institutions qui accueillent des personnes en situation irrégulière. D'autres initiatives pour les mineurs non-accompagnés, tels que les projets Haaraga et Sama, ont également vu le jour, mais ne suffisent pas à assurer leur intégration en Italie.

«Il y a un proverbe africain qui dit: «Si tu me donnes un poisson, je mangerai pour une journée. Mais si tu m’apprends à pécher, je ne pourrai plus te demander à manger et n’aurai plus faim», affirme sœur Marie-Claire. Ainsi, les équipes de l'Ordre de Malte tentent de remplacer ce maillon manquant de la chaîne d'accueil, en développant de leurs cotés des partenariats avec les instituts de formation professionnels de Palerme.

Ce combat mené par l'Église locale est celui de la dignité de chaque personne, considère la religieuse chirurgienne. «La formation, et la réintégration dans la société, permet à ces personnes de récupérer leur dignité. Sans travail, c’est vraiment la dignité humaine qui est touchée.»

À l'image du fondateur de sa congrégation, Jacques Cusmano, sœur Marie-Claire n'a jamais douté de sa vocation de médecin et religieuse auprès des démunis de Palerme. «Il faut soigner en même temps le corps, l’esprit et l’âme, chercher à amener toutes ces personnes à la fois, à travers l’œuvre de charité.» Une mission simple et évangélique, dans l'esprit du Pape François: «Je cherche d’emprunter cette direction et de réaliser ce que Jésus me dit dans l’Évangile: "Ce que vous avez fait à l’un de ses petits, c’est à moi que vous l’avez fait."»

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17 mai 2022, 11:54