Mgr Carbrera, président de la conférence épiscopale du Mexique Mgr Carbrera, président de la conférence épiscopale du Mexique 

Au Mexique, la liberté religieuse n'est pas une lutte de pouvoir

Les difficultés du dialogue dans une société polarisée, les questions du bien commun supplantées par le sectarisme et la liberté religieuse comme garantie des autres droits de l'Homme, tels ont été les arguments abordés par Vatican News avec le président de l'épiscopat, Mgr Rogelio Cabrera, à l'issue de la plénière des évêques au Mexique.

Alina Tufani Díaz – Cité du Vatican

Une semaine importante pour l'Église mexicaine s'est conclue par le message des évêques de la Conférence épiscopale du Mexique au peuple mexicain, où, en plus de réaffirmer les signes d'espérance que nous vivons en tant que chrétiens en Jésus-Christ ressuscité, ils révèlent les préoccupations et les défis sociaux et ecclésiaux qui restent une priorité pastorale. La liberté religieuse, la polarisation sociale, la violence, les lectures unilatérales de l'époque et le sectarisme laissent malheureusement peu de place au dialogue et au bien commun. C'est du moins ce qui ressort de l’entretien avec Mgr Rogelio Cabrera López, archevêque de Monterrey et président de la Conférence épiscopale mexicaine (CEM).

La traditionnelle assemblée plénière de l'épiscopat a été marquée cette année par deux événements importants, la commémoration du 30e anniversaire du rétablissement des relations entre le Saint-Siège et le Mexique, avec la présence du secrétaire d'État du Saint-Siège, le cardinal Pietro Parolin, et la célébration de la première rencontre ecclésiale du Mexique.

Pas de liberté religieuse totale

En 1992, l'État mexicain a approuvé constitutionnellement la reconnaissance publique des Églises et des religions et, avec elle, la possibilité de reprendre les relations entre le Saint-Siège et le Mexique. Trente ans après cet accord, un événement organisé par la nonciature apostolique a eu lieu en présence du cardinal Parolin, de membres de l'épiscopat mexicain et des autorités diplomatiques, académiques et politiques du pays. Le thème choisi pour cet anniversaire était "Laïcité positive et liberté religieuse".

«Au Mexique, il a toujours été difficile d'étendre la pleine liberté religieuse à tous les citoyens en raison de la question de l'État séculier, et je crois que nous avons évolué vers une nouvelle conception de l'État séculier, non pas comme un État opposé à la religion et aux Églises, mais comme un État qui garantit les libertés». «C'est la laïcité ouverte dont nous parlons dans cette commémoration, et que le cardinal Parolin a également voulu souligner», a expliqué Mgr Cabrera, en parlant des avancées et des défis de ces 30 dernières années.

«Même au Mexique, nous n'avons pas une liberté religieuse totale», souligne l'archevêque, car on parle davantage de «liberté de culte». D'où la nécessité de «renforcer la liberté d'expression et la liberté de chaque Église et religion de pouvoir enseigner et partager ses convictions avec la société». «Nous prenons des mesures pour comprendre que la liberté religieuse n'est pas une lutte de pouvoir, mais une garantie pour tous les citoyens et pour une meilleure coexistence dans notre pays, car s'il y a une liberté religieuse, toutes les libertés sont renforcées».

Polarisation et sectarisme

Le message final de la plénière parle d'une époque de changement, qui, cependant, au lieu de conduire à une transformation constructive pour le bien commun et l'unité, a conduit à une polarisation sociale, où «la primauté de l'être humain et sa dignité ont été sapées»

«Malheureusement, souligne Mgr Cabrera, des visions individualistes ou orientées vers le groupe prennent le pas sur le bien de tous. Nous pensons que polariser, c'est sectoriser ou fragmenter la société, c'est pourquoi nous avons appelé tous les citoyens, les écoles, la classe politique, ceux qui rendent la justice, à veiller à l'unité du pays, car nous ne pouvons pas diviser le pays entre les bons et les mauvais, ni entre ceux qui appartiennent à un parti et ceux qui appartiennent à un autre».

Dans ce contexte, le président de l'épiscopat mexicain a souligné la nécessité de porter un regard plus objectif sur l'histoire du pays car, tout comme le passé a ses lumières et ses ombres, le présent en a aussi. Pour cette raison, explique le prélat, une lecture objective signifiera que les contrastes seront moins marqués et que les sentiments négatifs ne s'imprimeront pas dans la société, avec le risque de perdre la capacité de discernement.


Rencontre ecclésiale : le rapprochement

La première rencontre ecclésiale au Mexique a été la proposition de l'épiscopat d'écouter et de dialoguer avec les citoyens et les fidèles, de trouver des moyens et de pouvoir maintenir l'unité. «Le Pape nous a invités au synode parce que synodalité signifie écoute et discernement. Dans un pays où tout le monde se bouche les oreilles, il est difficile de marcher ensemble», prévient l'archevêque de Monterrey, en parlant des moments difficiles que le pays continue de traverser.

«Dans les dialogues que nous avons eus lors de cette réunion, nous avons souligné la gravité de la réalité. On ne peut rien cacher, c'est là. Il y a la douleur du peuple. Le peuple crie, la violence augmente, la pauvreté s'accroît et la santé des citoyens se détériore de plus en plus. Nous devons les écouter dans cette réalité dure et douloureuse, mais aussi comprendre que la solution vient de l'intervention de tous, des citoyens, des autorités. Un citoyen responsable, qui croit en de bonnes valeurs et les promeut, sera également en mesure d'encourager et de forcer les gouvernements à prendre des mesures pour résoudre les grandes difficultés du pays.»

Il y a toujours de l'espoir

Après s'être penché sur le fléau de la violence, Mgr Cabrera rappelle que l'Église se sent obligée d'apporter la consolation, mais aussi d'apporter cette sensibilité afin que chacun assume avec courage et beaucoup de responsabilité un présent aussi délicat pour le pays.

«Le mal et ces situations négatives n'ont pas le dernier mot, car il y a toujours de l'espoir, d'abord parce que nous croyons au Crucifié et au Ressuscité, parce que nous avons le soutien maternel de Notre-Dame de Guadalupe et parce que les Mexicains peuvent réagir positivement à cette réalité», conclut-il. 

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30 avril 2022, 13:27