Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la Conférence des Évêques de France Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la Conférence des Évêques de France  

Le rapport final de la CIASE attendu «avec impatience» par l’épiscopat français

Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des Évêques de France, s’exprime au micro de Vatican News sur divers sujets sociétaux récemment débattus dans l’Hexagone, ainsi que sur la parution le 30 septembre prochain du rapport final de la Commission Sauvé sur les abus sexuels commis au sein de l’Église.

Entretien réalisé par Antonella Palermo – à Paris

Ce sont des évolutions législatives aux répercussions sociales majeures, au sujet desquelles la voix de l’épiscopat français a maintes fois retenti ces derniers mois: le projet de loi de bioéthique, définitivement adopté par l’Assemblée nationale le 29 juin dernier, et celui sur le séparatisme, qui continue de faire l’objet de débats houleux dans les rangs des parlementaires. Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims depuis 2018 et président de la Conférence des Évêques de France depuis 2019, nous explique le point de vue de l’épiscopat sur ces questions. Il évoque aussi la prochaine étape du travail de la Commission Sauvé, qui après avoir recensé des milliers de victimes, rendra son rapport final le 30 septembre prochain. Une publication importante pour permettre à l’Église de France de mieux lutter contre les abus sexuels en son sein et accompagner les victimes.

Comment la conférence épiscopale a-t-elle été impliquée dans le projet de loi sur le séparatisme, et comment envisage-t-elle l’opportunité d’une telle loi?

Concernant cette loi, nous avons été consultés par le gouvernement dès le début, nous avons donc pu faire des remarques. Beaucoup de nos remarques initiales ont été prises en compte. Nous avions aussi des remarques sur le fond de la loi, et celles-là n’ont pas été suivies car le gouvernement tient à son projet. Pour pouvoir surveiller ou contrôler davantage les institutions qui pourraient devenir séparatistes, il durcit son contrôle sur les associations cultuelles de 1905, et sur les associations demandant des subventions. La tradition française était que les citoyens qui s’associent pour un but donné sont reçus avec confiance, et aujourd’hui des citoyens qui s’associent, en particulier pour leur culte, doivent prouver qu’ils voudront bien respecter la loi, comme si ce n’était pas consubstantiel à la condition de citoyen. Comme conférence épiscopale, nous restons un peu tristes et inquiets face à ce changement de philosophie: on passe de la liberté au contrôle, et de la confiance dans les citoyens à la méfiance et au renforcement des attestations demandées pour vérifier qu’un citoyen est bien un citoyen.


Quel regard portez-vous sur la loi sur la bioéthique?

La loi votée sur la bioéthique me donne beaucoup de tristesse. On promet aux gens que leur douleur va pouvoir être surmontée car ils pourront avoir un enfant (…). Mais on ne fait que déconnecter davantage la procréation d’enfants de l’union corporelle d’un homme et d’une femme. Or nous croyons que le lieu digne du surgissement d’une vie humaine est l’union corporelle d’un homme et d’une femme qui se donnent l’un à l’autre et s’engagent pour la vie entière. On déconnecte de plus en plus la procréation de l’union des corps au profit de processus techniques. Nous disons que cela amènera inévitablement à aller plus loin. Dans cette loi, on transgresse de nouvelles barrières au nom de la nécessité de la recherche, de la liberté de la recherche. Par conséquent, l’être humain devient de plus en plus un matériau sur lequel on intervient pour le bien supposé de tous, mais au détriment du bien de ceux qui seront transformés en sujets de laboratoire.


En septembre aura lieu la publication du rapport sur les abus sexuels commis au sein de l’Église de France. Dans quel état d’esprit attendez-vous ce document?

Pour ma part, et c’est le cas je crois de tous les évêques, nous attendons avec une certaine impatience ce rapport. Il a été demandé en novembre 2018. La CIASE [Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église] y a travaillé pendant trois ans, elle a fait un travail absolument formidable que je suis heureux de saluer, d’autant plus que les membres de la CIASE sont tous bénévoles. (…) Il sera intéressant de savoir ce que l’on peut dire aujourd’hui de l’ampleur du phénomène, si l’on peut mieux comprendre comment cela s’est passé dans un certain nombre de lieux, s’il y a une typologie des abus… Nous attendons aussi de savoir si les mesures que nous avons envisagées sont suffisantes ou s’il faut aller encore un peu plus loin.

Nous l’attendons aussi avec confiance car nous avons travaillé, en particulier avec des personnes victimes pour comprendre de quoi il s’agit, quelle est leur souffrance. Nous avons franchi beaucoup de pas et nous comprenons qu’une responsabilité de l’Église est engagée, même si les coupables sont des personnes – il n’y a pas de coupables collectifs. L’Église devrait être une maison sûre, un lieu de sainteté, de respect. Elle ne l’a pas été et il faut essayer de comprendre toutes les dimensions de ce phénomène pour que cela ne se reproduise plus et que les relations de pouvoir, d’autorité, d’éducation, puissent désormais être vécues en confiance.


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10 juillet 2021, 14:12