Mgr Michel Aupetit, lors du Chemin de Croix du Vendredi Saint, le 2 avril 2021. Mgr Michel Aupetit, lors du Chemin de Croix du Vendredi Saint, le 2 avril 2021. 

Procession attaquée à Paris: Mgr Aupetit s'inquiète pour l'État de droit

Samedi, une procession à la mémoire des otages fusillés le 26 mai 1871 lors du massacre de la rue Haxo a été interrompue en raison de l’agression de plusieurs catholiques par des activistes d’extrême-gauche. L'archevêque de Paris a réagi à ces incidents.

Cyprien Viet - Cité du Vatican

La mémoire de la Commune de Paris, malgré 150 ans de distance, demeure un sujet de fracture au sein de la société française: ce samedi, l’agression faite sur des participants à une procession catholiques organisée à la mémoire des victimes du massacre de la rue Haxo, parmi lesquelles le père Michel Planchat, a montré combien les incompréhensions et les préjugés demeurent vifs dans une partie de la population.

Cette marche s’intégrait dans un ensemble d’évènements commémoratifs qui visaient à faire connaître le sort des religieux qui furent exécutés rue Haxo le 26 mai 1871, sans pour autant relancer le débat sur la Commune de Paris en tant que telle. Le père Yvon Sabourin, religieux de Saint-Vincent-de-Paul et postulateur de la cause de béatification du père Planchat, nous rappelait il y a quelques jours que l’enjeu de la procédure n’est pas de poser un jugement historique sur la Commune, mais de reconnaître le martyre de ces religieux, et donc le don de leur vie au nom du Christ.

Une procession gâchée par des "antifas"

Les pèlerins de samedi dernier devaient suivre le parcours des otages, depuis le square de la Roquette, où se situait autrefois la prison du même nom, jusqu’à l’église Notre-Dame-des-Otages, construite sur le lieu du massacre. Environ 300 personnes étaient rassemblées, avec un service d’ordre essentiellement assuré par quelques bénévoles, la préfecture n’ayant mobilisé que deux policiers pour sécuriser le parcours.

La marche a été rapidement perturbée par quelques militants d’extrême-gauche (des "antifas"), d’abord par de simples provocations verbales, puis des agressions physiques. Plusieurs personnes ont été blessées, dont un homme qui a été sérieusement blessé à la tête et hospitalisé. De nombreux participants à la procession ont dû se réfugier en l’église Notre-Dame-de-la-Croix de Ménilmontant, à mi-parcours, où la marche a donc pris fin prématurément.

«Jamais je n’aurais anticipé une telle violence. Ça a dépassé tout ce que j’imaginais», a confié à La Croix le père Stéphane Mayor, curé de Notre-Dame-des-Otages, qui a remarqué l’étrange ressemblance entre les injures et coups subis par les otages lors de leur marche du 26 mai 1871 et l’agression de samedi dernier. «C’était un état d’esprit saisissant de similitude, dans l’atmosphère. Nous avons été menacés de mort à coups de: "Tuez-les tous !"» s’est-il ému.

Mgr Aupetit invite au pardon

L’archevêque de Paris, Mgr Michel Aupetit, s’est exprimé le lendemain lors de la messe célébrée en l’église Notre-Dame-des-Otages, à la mémoire des martyrs de la rue Haxo. «Nous sommes troublés [de voir] que ce que nous prêchons, un Dieu d’amour, puisse provoquer autant de colère, autant de haine», a-t-il remarqué. Il a exhorté les fidèles à réagir à cette manifestation en se rappelant de l’exemple des otages, qui «n’ont jamais manifesté de colère face à la colère, de haine face à la haine, mais au contraire un cœur paisible et pardonnant», à la suite de Jésus qui a vécu en faisant le bien.

Dans une tribune publiée lundi 31 mai par Le Figaro, Mgr Aupetit précise que ces catholiques ne n’étaient pas rassemblés «pour manifester, ni pour revendiquer des droits particuliers», mais simplement «pour assumer leur devoir, celui de rendre hommage à leurs martyrs et de demander leur intercession. L’acte de mémoire est la garantie de l’espérance d’un peuple», a-t-il souligné, en remarquant que «la violence aveugle que ces pèlerins ont subie de la part des "antifas" est absolument inacceptable dans un État de droit».

Tirer les leçons de cet incident

L’archevêque de Paris assure que le diocèse est en contact avec la préfecture de police «pour faire le bilan de cet événement déplorable dans une discussion claire et une nécessaire mise au point». «Nous ne revendiquons pas des privilèges particuliers, nous demandons simplement l’égalité de traitement avec les autres religions et communautés concernant la protection des personnes, et le droit d’exprimer notre foi dans la sphère publique, ainsi que nous l’autorise notre République laïque, dans la paix civile et le respect du bien commun», assure-t-il, en remerciant le ministre de l’Intérieur pour son message de soutien.

Il rappelle qu’aucun chrétien ne doit répondre à la violence par la violence. Le Christ l’a fermement dit à Pierre, qui voulait s’interposer face aux gardes venus l'arrêter: «Remets ton épée au fourreau, celui qui vivra par l’épée périra par l’épée», lui avait répondu Jésus, selon le récit rapporté par l’Évangile de Matthieu. «Le signe de la Croix est la source et le sommet de l’histoire des hommes. Au cœur même de l’injustice et de la haine surgit la parole du pardon», explique Mgr Aupetit. «C’est une grâce de le savoir dans la foi. C’est aussi un devoir pour nous, catholiques au cœur de la cité des hommes, de témoigner au milieu du monde de l’amour du Christ victorieux du mal.»

«Nous demandons simplement de pouvoir le faire en paix dans le respect de nos institutions et la protection d’un État de droit qui garantisse la pleine liberté de culte et la protection de tous ses citoyens», conclut Mgr Aupetit.

Le souvenir d’une tragédie presque oubliée

Le 26 mai 1871, une quarantaine de gendarmes et une dizaine d’ecclésiastiques furent exécutés rue Haxo, parmi lesquels le père Michel Planchat, religieux de Saint-Vincent-de-Paul qui fut un précurseur du catholicisme social. Avec quatre religieux de Picpus exécutés avec lui, il fait actuellement l’objet d’un procès en béatification. Suspendue durant plusieurs décennies, la procédure a été relancée en 2005.

Le massacre de la rue Haxo fut l’un des derniers épisodes de la Commune, avant son écrasement par les troupes versaillaises au terme de la Semaine sanglante, qui fit des milliers de morts, prenant l’ampleur d’une véritable guerre civile au cœur de Paris.

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01 juin 2021, 15:18