Statue de Saint Ignace de Loyola, Basilique Saint-Pierre Statue de Saint Ignace de Loyola, Basilique Saint-Pierre  

Année Saint-Ignace: aller vers une liberté intérieure au service de l’essentiel

Ce 20 mai marque l’ouverture d’une année ignatienne, à l’occasion du 500e anniversaire de la blessure de saint Ignace de Loyola à la bataille de Pampelune. Elle se conclura le 31 juillet 2022, jour de la fête du fondateur de la Compagnie de Jésus. Cet évènement est l’occasion de se laisser interpeler par l’itinéraire de conversion d'Ignace, comme nous l’explique le père Thierry Dobbelstein, jésuite belge.

Entretien réalisé par Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican

“Voir toute chose nouvelle en Christ”, telle est la transformation à laquelle invite le thème de cette année ignatienne annoncée par le Père Arturo Sosa, Supérieur général de la Compagnie de Jésus. Deux commémorations la jalonnent: d’abord, le 500e anniversaire de la blessure de saint Ignace, reçue lors de la bataille de Pampelune et qui l’amena à se convertir (20 mai 1521) et ensuite le 400e anniversaire de sa canonisation et celle de saint François-Xavier (16 mars 1622). Plusieurs propositions spirituelles auront lieu pendant cette année spéciale, notamment au sein de la Province des Jésuites d’Europe occidentale francophone.

Le père Thierry Dobbelstein est jésuite belge, depuis quatre ans en mission à Paris, en tant qu’assistant du Provincial des Jésuites d’Europe occidentale francophone. Il nous explique ce que l’on peut attendre de cet évènement important pour la famille ignatienne:

Entretien avec le père Thierry Dobbelstein, sj

Ce que nous en attendons, c’est d’abord de faire la fête ! Il y aura notamment un grand rassemblement prévu pour les membres de notre province à Marseille, à la Toussaint 2021, et qui réunira l’ensemble des membres de la famille ignatienne française, belge-francophone, luxembourgeoise, mais aussi grecque et mauricienne, et pourquoi pas d’autres pays.

Aussi de retourner aux sources, de retrouver notre charisme. Nous sommes invités au cours de cette année à «voir toutes choses nouvelles en Christ», c’est le thème qui a été donné à cette année jubilaire. Vous savez que «trouver Dieu en toutes choses» est important pour Ignace de Loyola, et lui-même est parvenu à cela par étapes, en cheminant, en se laissant guider par le Seigneur. Nous-mêmes dans cette année, nous pouvons faire cette même expérience de conversion, de continuer notre conversion pour voir toutes choses nouvelles dans le Christ.

De quelle manière saint Ignace continue de parler aux croyants d’aujourd’hui et à ceux qui cherchent Dieu ?

Le message d’Ignace de Loyola, plus qu’un message, est une expérience. C’est un homme qui a été secoué dans sa vie à quelques reprises par des boulets de canon, et l’évènement qui marque le début de cette année ignatienne est le 500e anniversaire du boulet de canon qui lui a fracassé la jambe lorsqu’il essayait de défendre la forteresse de Pampelune contre des assaillants français. C’était donc d’abord un homme de combat, et un homme qui espérait vivre de grands honneurs, et tout cela a été réduit à néant par un boulet de canon. Ignace a commencé par cet évènement-là un long travail de conversion. Il s’est progressivement laissé guider par Dieu, et il nous a offert, au travers des exercices spirituels, quelques outils qui peuvent nous aider en 2021 à nous laisser nous aussi guider par le Seigneur.

Ignace s’est laissé déranger, et en nous aidant à poser notre regard sur le Christ, nous laisse être dérangé à notre tour par le Christ, par sa manière de faire, pour dire «Et moi-même ? Est-ce que j’ai envie de faire de la même manière ?» Vous devinez comment, aujourd’hui encore, ces récits sont passionnants pour ces jeunes croyants, convertis, fougueux. Il est important qu’en lisant le récit d’Ignace, ils prennent conscience que la conversion est un long processus, et que ce processus que nous vivons tous n’est jamais terminé. Il y a continuellement à se laisser guider, à continuer à apprendre, en relisant nos expériences, en découvrant aussi nos erreurs, en se disant «ça c’est une erreur que je ne ferai plus».


Pourquoi conseiller encore aujourd’hui les Exercices spirituels de saint Ignace ?

C’est un petit livre de recettes, ce n’est donc pas un livre qu’on lit comme un roman de la première page à la dernière page. C’est plutôt une série d’exercices de prière, quelques méditations, et surtout des invitations à contempler la Parole de Dieu, des scènes d’Évangile, qui sont d’abord le fruit de l’expérience d’Ignace. Il n’y a rien de fondamentalement révolutionnaire dans ces exercices qu’a faits Ignace; il s’est largement inspiré des conseils qui lui ont été donnés par des Chartreux, des Bénédictins, ou encore par d’autres religieux. Il a profité de ce patrimoine de l’Église, mais il l’a un peu formalisé, parce qu’il s’est rendu compte, d’abord, que c’est ce qui l’a aidé lui, après avoir pris un peu de recul sur son chemin de conversion, et surtout il a fait l’expérience que cela aidait d’autres. Très vite, Ignace s’est en effet mis au service pour aider les âmes, c’est-à-dire pour aider les hommes et les femmes qu’il rencontrait à découvrir la volonté de Dieu dans leur vie, et ainsi à mieux vivre, à trouver ce qui les faisait vivre.

En quoi cette épreuve de la blessure de saint Ignace peut-elle résonner avec la pandémie que nous vivons en ce moment ?

C’est marquant parce que nous faisons mémoire d’un boulet qui a fracassé la jambe d’Ignace, mais qui a aussi fracassé sa fierté, ses projets, tout ce qu’il pensait devoir faire de sa vie. Ce n’est d’ailleurs pas le seul boulet qu’il a connu dans sa vie, il y a eu plusieurs boulets, c’est-à-dire plusieurs évènements qui sont venus contrecarrer brutalement les projets qu’il était en train de dessiner dans sa vie. Cela n’est pas sans rappeler les nombreuses contrariétés qui s’imposent à nous, qui viennent contrecarrer nos projets en ces mois de pandémie.

Ces expériences, pour Ignace, ont été l’occasion de façonner sa liberté intérieure, de relativiser ou purifier certains moyens qu’il pouvait utiliser dans sa vie pour se mettre au service de Dieu. Cela lui a permis de faire la part des choses entre ce qui était «ses projets» pour servir Dieu, pour progressivement passer au projet que Dieu pouvait avoir pour lui.

Il est important de ne pas nous mettre à la place de Dieu. La Compagnie de Jésus n’est pas là pour se mettre à la place de l’Église, elle n’a pas une promesse de vie éternelle, elle est simplement au service, elle n’est jamais qu’un moyen parmi bien d’autres. Une liberté intérieure qui est au service de l’essentiel. Vous connaissez cette maxime si importante pour Ignace de Loyola, pour les Jésuites : Ad Majorem Dei Gloriam, «pour une plus grande gloire de Dieu». C’est cela quelque part l’essentiel, ce qui guide nos vies, quelles que soient les circonstances. Est-ce que je suis capable de vivre cette situation en étant comme tendu vers la plus grande gloire de Dieu. Les contradictions, les contrariétés que nous vivons pour le moment, comme Ignace en a vécu dans sa vie, peuvent être l’occasion de changer, de transformer notre regard, et de nous rendre compte que Dieu nous attend. Il continue à être là, à nous attendre et à nous guider, même si nos projets, qui étaient trop personnels, sont complètement bousculés.

Que signifie être jésuite en 2021 ?

Le nom qu’Ignace a donné à ses premiers compagnons est celui de «compagnons de Jésus». Nous sommes des compagnons de Jésus, avant d’être des Jésuites. C’est déjà intéressant : nous ne sommes pas des «Iniguistes», puisque le premier prénom d’Ignace de Loyola est Inigo, nous ne sommes pas non plus la compagnie ignatienne. Nous sommes la Compagnie de Jésus, parce que nous sommes centrés sur Jésus-Christ. C’est Jésus-Christ que nous cherchons à aimer, à suivre, c’est sa manière qui nous interpelle et que nous cherchons à imiter ou dont nous voulons nous inspirer. C’est aussi un homme qui a fait d’abord l’expérience de la Miséricorde de Dieu pour lui-même, personnellement. Un Jésuite se sait pécheur, il sait qu’il y a des failles dans sa vie et qu’il y en aura encore dans sa vie, mais quand bien même il y a ces erreurs et ces failles, il sait qu’il est relevé et appelé par le Christ. Le Jésuite est celui qui vit cela à temps plein et pour la vie. C’est aussi qui vit cela avec d’autres: on vit en communauté et la mission, manière concrète dont on va se mettre au service du Christ, nous la recevons d’un supérieur. Les Jésuites travaillent, cherchent à travailler, toujours en partenariat, en collaboration avec d’autres personnes, qui ne sont pas nécessairement jésuites, et qui parfois ne sont mêmes pas chrétiennes.

Par ailleurs, les Jésuites ont reçu il y a deux ans quatre priorités apostoliques: premièrement montrer la voie vers Dieu à l’aide des Exercices spirituels et du discernement; deuxièmement, faire route avec les pauvres, les exclus, les personnes blessées dans leur dignité, en vivant une mission de réconciliation et de justice; troisièmement, accompagner les jeunes dans la création d’un monde porteur d’espérance; et enfin, travailler avec d’autres à la sauvegarde de la maison commune. Vous devinez en filigrane combien les insistances du Pape François marquent ces préférences apostoliques universelles actuelles.

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20 mai 2021, 14:41