Dans les rues de Kuala Lumpur, le  février 2021. Dans les rues de Kuala Lumpur, le février 2021. 

Les chrétiens de Malaisie autorisés à utiliser le mot "Allah"

La Haute Cour de Kuala Lumpur a estimé que les chrétiens qui représentent moins de 10% d’une population de 32 millions d’habitants à 60% musulmans, pourront utiliser le mot "Allah" dans leurs prières, leurs textes et leur pratique religieuse. Elle a jugé inconstitutionnelle une disposition contraire du ministère de l’Intérieur.

Ce pourrait l’épilogue d’une très longue bataille judiciaire. Il y a 13 ans, une Malaisienne chrétienne membre d'une minorité ethnique de Sarawak sur l'île de Bornéo, Jill Ireland Lawrence Bill, se voyait confisquer à l’aéroport, de retour d’Indonésie, huit disques compact à finalité éducative dans lesquels le mot "Allah" était utilisé pour désigner Dieu.

La langue malaise utilise le terme "Allah", emprunté à l’arabe, pour dire Dieu depuis des décennies. Un dictionnaire latin-malais vieux de 400 ans en témoigne.

Jill Ireland Lawrence Bill avait alors contesté en justice l’interdiction, datant de 1986, pour les chrétiens d’employer ce mot. Elle s’était également opposée à une directive du ministère malaisien de l’Intérieur datant de 2007 qui révoquait le droit accordé à un journal catholique local, The Herald, de l’utiliser dans ses pages «pour des questions d’ordre public». Un autre bras de fer s’était alors engagé. Le journal paroissial avait alors saisi un tribunal et obtenu gain de cause en 2009, jugement qui a provoqué une série d'attaques faisant craindre un conflit multiconfessionnel et relancé la bataille juridique. Elle s’était achevée en 2014. La Haute cour de Malaisie avait alors rejeté la requête de l'Église catholique pour pouvoir utiliser le mot dans l'édition en malais de The Herald.

La Constitution garantit la liberté de religion


Pourtant la même année, en 2014, la justice donne partiellement raison à Jill Ireland Lawrence Bill. Elle déclare illégitime la saisie faite et demande à ce que soit restitué son matériel à la jeune femme. Restait en suspens la question du recours au mot "Allah".

Attendue depuis 2018 et sans cesse reportée, dernièrement en raison de la pandémie, la justice a donc rendu son verdict ce mercredi, estimant que la requérante ne devait pas subir de discrimination due à sa foi. Parce que la Constitution malaisienne garantit la liberté de religion, le juge Nor Bee Ariffin a également estimé que l'interdiction faite aux chrétiens d'utiliser le terme "Allah" est «illégale et inconstitutionnelle». La circulaire du ministère de l’intérieur devrait être annulée. «La liberté religieuse doit être protégée même dans le contexte de situation impliquant l’ordre public», a estimé le juge.

Le gouvernement n’a pas fait savoir s’il comptait faire appel.

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11 mars 2021, 16:30