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A gauche, la Basilique de Santa Maria in Aracoeli, accessible par son escalier de 124 marches. A gauche, la Basilique de Santa Maria in Aracoeli, accessible par son escalier de 124 marches.

La Basilique de l'Aracoeli, maison de l'Enfant-Jésus miraculeux

L’Avent à Rome: la Nativité dans les églises (1/4). Chaque vendredi de l’Avent, Vatican News propose une échappée de foi et beauté dans l’une des mille églises de Rome, à la découverte des représentations de la Nativité.

Pour qui a le courage de gravir les 124 marches de son monumental escalier en marbre, cette basilique offre une vue imprenable sur le centre historique de la Ville éternelle: Santa Maria in Aracoeli est chère au cœur des Romains, qui venaient autrefois y prier tout spécialement durant l’Avent et l'octave de Noël. Cette magnifique église abrite en effet une statue de l’Enfant-Jésus que l’on dit miraculeuse.

Manuella Affejee - À Rome, Italie 

Nous sommes au sud du Capitole, l’une des sept collines de Rome, centre religieux de la Cité durant l’Antiquité; là se dressaient, entre autres, les riches temples dédiés aux divinités de la «Triade capitoline»: Jupiter, Junon et Minerve.

Une intrigante légende

Selon une ancienne légende rapportée par plusieurs sources littéraires médiévales (Chronique palatine, 574; Mirabilia Urbis Romae, XIIe siècle), l’empereur Auguste, désireux de savoir qui lui succéderait comme maître du monde, consulta la Sibylle de Tibur, l’une des douze prêtresses d’Apollon dotée du don de prophétie. Celle-ci lui aurait fait cette réponse: «Un enfant hébreu, Dieu lui-même et maître des lieux, me force à quitter la place et à rentrer tristement dans les Enfers. Désormais, retire-toi sans réponse de mes autels» (Me puer Haebreus, deus Divus ipse gubernans, Cedere sede jubet, tristemque redire sub orcum, Aris ergo dehinc tacitis abscedito nostris).

L’empereur lui-même aurait eu par la suite la vision d’une vierge tenant dans ses bras un enfant. «Cet enfant est plus grand que toi. Élève-lui donc un autel», lui aurait-elle enjoint. Auguste s’exécuta, et fit bâtir sur le Capitole un autel portant l’inscription: «Ara primogeniti Dei» (autel au premier-né de Dieu).

Cette légende n'est pas sans rappeler le grand oracle rapporté par Virgile dans ses Bucoliques (4e Églogue): «Voici les derniers temps marqués par l’oracle de la Sibylle de Cumes (…). Voici venir la Vierge, et le règne de Saturne. Voici descendre du ciel une race nouvelle. Un enfant nouveau-né sous le règne de l’Empereur Auguste éliminera la génération de fer et suscitera par tout le monde une génération d’or».

Quoi qu’il en soit, ce récit singulier de la vision d’Auguste se perpétua puisque l’abbaye byzantine érigée au VIe siècle sur les ruines du temple de Junon Moneta fut baptisée…«Aracoeli» (autel du Ciel). Après une administration bénédictine, le site échut par bulle pontificale aux frères mineurs qui s’attelèrent à la construction d’une église de style romano-gothique. C’est elle que fidèles et touristes peuvent contempler encore aujourd’hui.

Les vingt-deux colonnes de granit -issues pour la plupart d’anciens monuments antiques- qui la divisent en trois nefs, son pavement cosmatesque, son plafond à caissons dorés réalisé pour commémorer la victoire de la flotte chrétienne contre les Turcs à Lépante (1571), les fresques du Pinturicchio et les œuvres d’artistes tels que Giulio Romano et Pietro Cavallini, sont quelques-uns des trésors dont recèle la basilique romaine. Et ils ne sont bien sûr pas les seuls.

Icône de la Vierge

Elle domine le maître-autel et attire immanquablement le regard. Cette icône, écrite au Xe-XIe siècle et copie d’un original antérieur, représente la Vierge Marie vêtue d’un manteau sombre constellé d’étoiles d’or; son doux regard fixé sur l’observateur, la main droite levée dans un geste d’intercession, elle semble se désigner comme l’avocate des croyants auprès de Dieu.

Cette image est moins connue que sa consœur vénérée dans la Basilique de Sainte Marie Majeure, et pourtant, elle aussi, porte le titre de «Salus Populi Romani»; ce vocable lui fut conféré avec reconnaissance par les Romains après le miracle opéré en 1348. La Grande Peste s’étant abattue sur toute l’Europe, l’icône fut portée en procession dans les rues de la Ville éternelle jusqu’à la Basilique saint Pierre. Le peuple de Rome supplia sa protectrice d’intercéder en sa faveur et, de fait, la pestilence recula.

Pour célébrer la fin de l’épidémie, les fidèles financèrent un escalier de marbre de 124 marches plutôt abruptes, permettant d’accéder à l’édifice. Celui qui le gravira à genoux gagnera la loterie nationale, murmure-t-on, non sans espièglerie, parmi les Romains.

Copie de l'icône byzantine de l'Ara Coeli
Copie de l'icône byzantine de l'Ara Coeli

L’Enfant Jésus en bois d’olivier, ou «Santo Bambino»

À gauche du chœur de la Basilique, une porte mène à une petite chapelle où trône une statue de l’Enfant-Jésus, elle aussi nimbée de légendes. L’on raconte qu’elle fut taillée dans un olivier du jardin de Gethsémani par un franciscain qui, au XVe siècle, la ramena en Europe après un voyage riche de péripéties. Ne sachant comment la peindre comme il le souhaiterait, il demande un soir à l’Enfant-Jésus de l’inspirer. Quelle ne fut pas sa surprise, le lendemain, de retrouver la statue toute parée de vives couleurs! Cette aura de miracle s’attachera à la sculpture de 60 cm, pour ne plus la quitter. 

A gauche, l'antique statue de l'Enfant-Jésus volée en 1994 ; à droite, la copie qui la remplace
A gauche, l'antique statue de l'Enfant-Jésus volée en 1994 ; à droite, la copie qui la remplace

Une piété populaire en déclin

L’Enfant-Jésus attire les foules de toute l’Italie; très vite, sa petite chapelle se remplit de nombreux ex-votos, témoins des grâces accordées. Pendant longtemps, une tradition bien ancrée voulait que les Romaines désirant un enfant viennent prier à la Basilique de l’Aracoeli et que les enfants nés de cette supplique envoient une lettre de remerciement au «Bambinello».

Cette pratique est désormais tombée en désuétude, à l’image d’une piété populaire qui s’étiole depuis des années. Le père Orazio, actuel recteur de la Basilique, se souvient d’une église pleine à craquer la Nuit de Noël, de fidèles n’hésitant pas à patienter plus de trois heures pour vénérer la statue de l’Enfant-Jésus, de gestes touchants de dévotion. «Il y a moins de ferveur aujourd’hui, moins de foi», regrette le franciscain dans un soupir; «On parle beaucoup de crise économique, mais la crise religieuse est dramatique aussi», assure-t-il.

En 1994, un coup de tonnerre secoua la capitale: le «Santo Bambino» fut dérobé, sans que ses ravisseurs, appâtés par les colliers et bijoux ornant la statue, ne laissent de trace. Demeurée introuvable, les franciscains durent se résoudre à lui substituer une reproduction, toujours exposée à l’heure actuelle.

L’Aracoeli et les Papes

Tout porte à croire que l’abbaye byzantine primitive fut édifiée sous le pontificat de Grégoire le Grand (590-604), qui eut probablement l’occasion de s’y recueillir. La Basilique abrite également la tombe d’un autre successeur de Pierre, Honorius IV (1285-1287).

L’attention que porta le Siège apostolique à l’Aracoeli ne se démentit jamais, au point qu’en 1948, Pie XII consacra la Ville éternelle au Cœur immaculée de Marie, la «Salus Populi Romani», qui  avait connu un regain de dévotion lors de la Seconde Guerre mondiale.

Vingt ans plus tard, en 1968, saint Paul VI choisit justement cette Basilique pour y délivrer son message pour la première Journée mondiale pour la Paix qu’il institua le 1er janvier. À cette occasion, il bénit les fidèles rassemblés avec l’Enfant-Jésus... dont on attend toujours le retour miraculeux.

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30 novembre 2020, 16:19