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Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la conférence des évêques de France Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la conférence des évêques de France  

Absence de messe, libertés de culte et d’expression: ce que disent les évêques de France

Fin de l’assemblée plénière en visioconférence des évêques de France, sous la présidence de Mgr Éric de Moulins-Beaufort. L’archevêque de Reims en dresse un premier bilan.

Entretien réalisé par Manuella Affejee - Cité du Vatican

Crise sanitaire oblige, les évêques n’ont pu se rendre à Lourdes et les travaux se sont tenus en visioconférence du 3 au 8 novembre.

Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la conférence des évêques de France, revient sur quelques-uns des principaux thèmes abordés au cours de cette assemblée au format inédit.

Il réagit tout d’abord au rejet par le Conseil d’État de plusieurs recours déposés par lui-même, d’autres évêques et plusieurs associations de laïcs, pour la levée de l’interdiction des célébrations publiques.

Entretien avec Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la CEF

Je suis triste car je ressens la tristesse et la lassitude de beaucoup de fidèles qui ont vécu avec beaucoup de patience le premier confinement et qui se voient mal repartir pour plusieurs semaines sans messe, sans tout ce qui s’y vit. Maintenant, je suis content que le Conseil d’État souligne la possibilité pour toute personne de se rendre dans une église de son choix sans limitation de distance -en tous cas, raisonnable- et sans le critère d’un kilomètre. Car dans le monde rural, beaucoup de personnes se trouvent à plus d’1 kilomètre de leur église paroissiale. Aller à l’église au moins pour la prière, pour l’adoration, pour rencontrer le prêtre, se confesser, etc. : le Conseil d’État a souligné que chacun pouvait faire cela, et qu’il suffit de cocher pour le moment la case “motif familial impérieux”. Le juge a demandé aux pouvoirs publics d’insérer dans le prochain justificatif de déplacement un “motif cultuel”.

Les catholiques se sont montrés plutôt partagés sur la conduite à tenir. Quel message souhaiteriez-vous leur lancer sur cette question précise ?

Le premier message est qu’une décision a été prise et qu’il faut la respecter. Nous avons fait appel au Droit et le juge a rendu ce qu’il estimait devoir être rendu. Les catholiques ne sont pas des séditieux, ils ne vont pas commencer à faire de la sédition sur un sujet pareil. Maintenant, nous devons être vigilants, nous tous évêques et catholiques, et je dirais, tout citoyen français. Nous sommes dans un moment où pour des raisons sanitaires et sécuritaires, les pouvoirs publics durcissent un peu la surveillance de tout le monde, y compris des religions. Donc nous devons être attentifs à la manière dont les choses sont rédigées, parce que les libertés fondamentales doivent être protégées, et justement, l’arrêt du juge indique bien que la liberté de culte est une liberté fondamentale, qu’elle ne s’exerce pas qu’individuellement, mais aussi collectivement.

Dans votre discours de clôture, vous insistez beaucoup sur l’importance du vrai culte, de l’adoration «en esprit et en vérité», comme le dit Jésus à la samaritaine. Est-ce à dire que cette période sans culte justement, est une occasion de saisir ce que veut dire «adorer en esprit et en vérité»?

Cela veut dire adorer dans le Christ ! C’est Lui seul qui s’offre pour être le canal de notre véritable adoration. Nous ne sommes jamais parfaitement «en esprit et en vérité», mais Lui, le Fils unique l’est. Et c’est précisément pour cela que nous avons besoin de l’Eucharistie, besoin de nous unir au sacrifice du Christ. Donc quand Jésus dit que la vraie adoration est «en esprit et en vérité», ce n’est pas pour dire que c’est uniquement mental, sans aucun geste. Au contraire ! Je crois que cela fonde la nécessité du rite et de l’Eucharistie car nous avons besoin de passer par le geste de Jésus pour pouvoir vivre le culte «en esprit et en vérité».

Les tragiques événements de ces dernières semaines –attentats de Nice et de Conflans sainte-Honorine- ont bien évidemment habité vos réflexions. Les questions de liberté d’expression, de caricatures, de blasphème ont été vivement débattues dans l’espace public et j’imagine que cela a aussi été le cas dans votre hémicycle virtuel. Sur quoi vous semble-t-il important d’insister aujourd’hui, au regard de ces questions ?

Il faut respecter la liberté d’expression. Je pense que c’est un signe de maturité que de supporter d’être moqué, y compris de manière désagréable, pénible, humiliante. Ceux qui humilient les autres ne s’honorent pas eux-mêmes. Une attitude plus humaine serait, certes, de critiquer, de dire ce que l’on pense des opinions des autres ou de leurs croyances, mais de le dire de manière respectueuse, fraternelle, intelligente.

Personnellement, je suis convaincu que diffuser en grand certaines caricatures très humiliantes, très vulgaires et offensantes, ne soit pas la meilleure manière de contribuer à la paix sociale et à une véritable liberté intérieure des uns et des autres. La liberté doit aller avec le respect, la recherche d’une fraternité plus grande.

Nous, chrétiens, et saint Paul l’explique, nous savons bien que la Loi ne fait pas tout : c’est à chacun d’entre nous de se laisser habiter par l’Esprit Saint pour avoir la juste attitude.

Votre assemblée s’est tenue sous un format inédit. Comment expérimenter, dans ces conditions, la communion des frères dans le Christ? En avez-vous redécouvert le sens, d’une certaine manière ?

C’était une surprise pour moi. Je dois dire que, quand on est loin les uns des autres, quand on ne se voit pas pendant longtemps, on aperçoit quelque chose des attitudes, des paroles des uns des autres. On s’étonne, on s’agace, on ne comprend pas, etc. Et puis quand on se retrouve, on aurait plein de reproches à faire, mais on est tellement content de se revoir, on éprouve la présence de l’autre et du coup, on dépasse, on oublie tous les agacements qu’on a accumulés.

Nous n’avons pas pu nous retrouver physiquement mais je trouve que, grâce aux vidéos et moyens que nous avons utilisés, nous avons vécu quelque chose de cette expérience. Cela prouve que la communion qui est entre nous est tellement forte qu’elle fonctionne tout de suite, et même avec des invités.

Lorsque nous nous sommes retrouvés sur notre écran avec 300 petites vignettes, nous nous sommes sentis frères et sœurs les uns des autres. Cela montre la force de la communion que la foi nous permet.

Le discours de clôture de Mgr Éric de Moulins-Beaufort est à retrouver ici.

Durant cette assemblée plénière, les évêques, poursuivant la dynamique globale sur l’écologie intégrale initiée il y a un an, ont tenu à maintenir cette séquence malgré la crise ambiante considérant qu’elle ne devait pas les empêcher de continuer à prendre conscience de l’urgence écologique.

Ils se sont «réunis» avec 180 personnes invitées dans tous les diocèses. Ces personnes, concernées par le monde agricole, étaient invitées à vivre une démarche synodale avec les évêques sur le thème: "Cultiver la terre et se nourrir".

Entendre ces points de vue variés, partager en petits groupes, a permis aux participants de mieux comprendre les enjeux de la conversion écologique et d’envisager leurs propres actions. Deux rendez-vous ont été pris les 14 et 21 novembre avec les mêmes participants, pour continuer à travailler.

Enfin, dans une déclaration publiée ce dimanche, l’assemblée des évêques a voulu exprimer sa solidarité et celle de toute l’Église catholique en France avec les populations du Haut-Karabagh ainsi que de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan qui se trouvent engagées dans la guerre. «Ni le peuple arménien, ni le peuple azéri, déjà en lutte contre la pandémie de la Covid-19, n’ont rien à gagner à la reprise d’une guerre. Déjà, trop de combats et de bombardements ont provoqué des morts, militaires et civils, des dégâts considérables dans les villes et les villages, y compris contre des lieux de culte et des monuments historiques. Déjà, des exactions sont dénoncées.

«Les évêques de France joignent leurs voix à celle du Saint-Père et d’autres qui réclament l’intervention des chefs d’États des États-Unis, de la Russie et de la France, parties prenantes du “groupe de Minsk”, pour qu’ils agissent avec fermeté pour l’arrêt des combats et en faveur de toutes mesures propres à régler ce conflit définitivement», est-il notamment écrit. Les évêques demandent aux paroisses et aux communautés de leurs diocèses de prier pour que les responsables politiques décident d’un cessez-le-feu, et que des voies de justice et de paix soient trouvées pour le Haut-Karabagh. Cette prière pourrait être portée dans les intentions de la neuvaine préparatoire à la fête de l’Immaculée Conception.

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08 novembre 2020, 15:09