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Covid-19: au cœur d’un monastère, la lenteur comme un nouveau souffle

La pandémie de coronavirus invite à repenser notre manière de vivre. Le confinement a également induit un changement dans notre rapport au temps. Éloge de la lenteur avec frère Bernard, moine de l'abbaye de Keur Moussa, au Sénégal.

Entretien réalisé par Hélène Destombes - Cité du Vatican

Être lent est communément perçu dans nos sociétés occidentales comme un manque de performance et de compétences et non comme une aptitude à la contemplation, à la méditation, à savoir se ressourcer pour mieux discerner, élaborer et être créatif. Mais le confinement et le couvre-feu, qui sont adoptés actuellement dans de nombreux pays et en particulier en Europe, nouvel épicentre de la pandémie de coronavirus, ont modifié en profondeur la manière de gérer nos journées, passant d’un rythme souvent frénétique à la découverte du ralentissement. Le regard que nous portons sur le temps a ainsi changé et la perception du sens de la lenteur a évolué, laissant apparaitre de multiples facettes jusque-là ignorées ou oubliées.

Confronté à notre vulnérabilité et à notre finitude, une réflexion s’est par ailleurs imposée sur notre définition des priorités: amour, amitié, solidarité, fraternité; et sur notre rapport aux autres et à la Création. Cette qualité de relation nécessite d’être totalement disponible au moment présent, de savoir écouter, observer et adopter le temsp de la nature. C’est ce qui se vit dans l'abbaye de Keur Moussa, au Sénégal, où le cœur de la vie monastique bat au rythme de l’Afrique, comme en témoigne frère Bernard, moine camerounais à Keur Moussa depuis 15 ans, en charge du noviciat.

Entretien avec frère Bernard, moine à Keur Moussa

 

La croissance en Dieu nécessite de la lenteur

Le temps des moines bénédictins de l'abbaye de Keur Moussa est rythmé par «les sept prières de la journée qui sont comme les sept piliers qui constituent le pont entre la temporalité et l’éternité» confie frère Bernard. Dans la vie monastique, relève t-il, le temps est celui de «la croissance en Dieu, la croissance dans la charité avec les frères en communauté et les hôtes de passage». Le rapport aux choses est également important, «celles qui demeurent, celles qui passent». La vie à Keur Moussa est veritablement caractérisée par «une présence de qualité aux autres est à Dieu» qui nécessite une certaine lenteur car «la croissance en Dieu est lente».

En rencontrant en avril 2018, quelque quatre cents bénédictins de la Confédération bénédictine, le Pape François avait qualifié les couvents bénédictins de véritables «oasis» où redécouvrir la beauté du silence, à une époque, où l’on est trop pressé pour écouter la voix de Dieu. Cette écoute de la parole de Dieu, la contemplation, nécessitent de se mettre au rythme d’un temps intérieur, souligne frère Bernard. «C’est un temps de gratuité. Il s’agit de forer au plus profond du cœur un puit afin que jaillisse, l’eau vive, l’Esprit et cela demande de la lenteur».

 

Adopter le temps de la nature

La frénésie qui caractérise aujourd’hui de nombreuses sociétés ne franchit pas la porte du monastère où la vie des bénédictins se déploie lentement. «Il faut être, en quelque sorte, en retrait, observer, écouter, et épouser le temps de la nature qui, elle, ne brule pas les étapes». «En obéissant à ce temps de la nature, les choses restent toujours à leur juste valeur et viennent au moment venu». Le rythme de la nature est celui d’«une lenteur créatrice». En Afrique, observe frère Bernard, «la nature est vraiment une mère» et un lien étroit s’établit avec elle. Cela se traduit par exemple par «l’attente anxieuse des pluies car sans cette eau nous ne pouvons pas vivre». «Et cette attente de la pluie est un enseignement».

«Chaque jour, nous observons la transformation de la nature qui agit comme un miroir et nous invite à prendre le temps. La lenteur devient la loi». «Chez nous, prendre son temps n’est pas un défaut, c’est une manière d’habiter le monde, non pas en courant mais en épousant le rythme de la mère nature qui nous porte». Cette temporalité, permet d’être plus présent dans la relation aux autres. En Afrique, «la culture familiale est très importante», souligne frère Bernard, et «nous nous donnons du temps pour la rencontre». Le lien intergénérationnel est fondamental. «Nous veillons sur les grands-parents» qui vivent au sein des familles, ainsi «le temps de la jeunesse et de la vieillesse se conjuguent. Il y a donc une qualité de rapport aux autres qui s’inscrit dans la durée».

 

Puiser dans Laudato Si’ pour repenser nos sociétés

Cette invitation à construire un monde plus fraternel et respectueux de la création est au cœur de l’encyclique du Pape François Laudato si’, sur la sauvegarde de la maison commune. Cinq ans après sa publication, et alors que le monde est profondément affecté par la pandémie de coronavirus, le Saint-père a exhorté à plusieurs reprises à faire des choix courageux et audacieux pour construire un monde post-Covid qui place l’homme au centre et protège la Création. Le 1er septembre dernier, à l’occasion de la Journée Mondiale de Prière pour la Sauvegarde de la Création, il avait rappelé qu’écoute, justice et réparation devaient être au cœur des relations entre l’homme et l’environnement.

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24 octobre 2020, 11:48