Le cardinal Ranjith, ici lors d'une conférence de presse à Colombo, la capitale du Sri Lanka, le 16 avril 2020. Le cardinal Ranjith, ici lors d'une conférence de presse à Colombo, la capitale du Sri Lanka, le 16 avril 2020. 

Un après les attentats au Sri Lanka, le cardinal Ranjith invite au pardon

Le 21 avril 2019, neuf kamikazes ont explosé dans trois églises du Sri Lanka en pleine célébration de Pâques. Un an plus tard, et sans enfreindre les mesures d'urgence contre le Coronavirus, le pays s'est arrêté pour deux minutes de silence, suivies de la sonnerie des cloches dans tous les lieux de culte.

Giada Aquilino - Cité du Vatican

C'est le 21 avril 2019, jour de la célébration de Pâques, qu'au moins neuf kamikazes, affiliés au groupe islamiste local National Thowheed Jamath, ont explosé dans trois églises, celle de Saint-Antoine à Colombo, celle de Saint-Sébastien à Negombo, et dans une église évangélique de Batticaloa (l'église de Sion), ainsi que dans plusieurs hôtels et un complexe résidentiel. Le bilan a fait état d'au moins 270 morts et d'environ 500 blessés.

Ce mardi, à partir de 8h45, heure de la première explosion, le pays s'est arrêté pour deux minutes de silence, suivies de la sonnerie des cloches dans tous les lieux de culte et de l'allumage d'une lampe ou d'une bougie dans chaque maison. Tous les autres événements prévus n'ont pas lieu, afin d'éviter la propagation du Covid-19, le Sri Lanka recensant actuellement plus de 250 cas et au moins 7 décès. La situation de la pandémie, cependant, a fait savoir les autorités, est «sous contrôle».

Entretien avec le cardinal Albert Malcolm Ranjith, archevêque de Colombo

«Nous voulons exprimer notre sympathie et notre solidarité envers ceux qui ont perdu la vie, envers les familles qui ont vu mourir leurs proches, envers ceux qui ont été blessés et qui continuent à souffrir, envers ceux qui sont alités, envers ceux qui sont en fauteuil roulant. C'est vraiment un moment de solidarité nationale.

Dans le contexte du Coronavirus, les commémorations sont suivies par la télévision: comment montrer un signe d'unité en mémoire des victimes ?

Tout le monde a accepté de commémorer les victimes des attentats. Les bouddhistes ont fait de même: leurs moines ont sonné les cloches du temple. Les musulmans ont également exprimé leur solidarité. Il y a donc une grande participation de toute la population du pays, ce qui témoigne également d'une unité d'esprit sur ce qui s'est passé.

Le jour de Pâques, vous avez dit que les catholiques avaient pardonné aux kamikazes, parce que le message du Christ est d'aimer ses ennemis. Le Pape a également prié le Seigneur dans une lettre afin que "les cœurs endurcis par la haine" puissent se rouvrir à "la paix et la réconciliation entre tous ses enfants". Comment les familles des victimes ont-elles vécu ce pardon ?

Rappelons-nous qu'il n'y a pas eu de réaction, même immédiatement après les attaques, à une époque où les gens étaient particulièrement blessés spirituellement et physiquement par cette violence. Ils auraient pu réagir et ils ne l'ont pas fait: ce ne sont pas les sentiments mais la raison qui a prévalu.

Et même maintenant, c'est comme ça. Cela se produit en raison de cette attitude chrétienne qui consiste à savoir pardonner même à ceux qui ont fait le mal. À Pâques, nous avons célébré la crucifixion de Jésus, en nous rappelant que lui-même avait prié pour ceux qui avaient agi contre lui. Ce sentiment de pardon vient au cœur de chaque personne qui a souffert. Mais il est certain que ces personnes ont au moins le droit de savoir qui a fait cela et pourquoi elles ont perpétré ces attaques.

Le Saint-Siège a immédiatement dénoncé à l'ONU ces attentats comme des attaques explicitement anti-chrétiennes. À quoi ont abouti les enquêtes de ces derniers mois?

Les enquêtes se poursuivent. Certaines pistes ont été suivies qui ont permis de découvrir l'implication d'autres personnes derrière les attentats suicides. Récemment, la police a procédé à de nouvelles arrestations, ce qui signifie qu'elle continue d'enquêter sur les auteurs des actions.

Nous devons viser à connaître la vérité, à savoir qui a conçu les attentats et qui a donné les fonds nécessaires. Ce qui s'est passé est vraiment tragique. Et nous ne comprenons pas ce que ceux qui ont agi ont "gagné" en tuant tous ces gens, ou quel "succès" les terroristes ont eu avec leur programme.

Outre le deuil et la douleur, comme l'a rappelé le Pape François le jour des attentats, la crise du Coronavirus menace désormais le Sri Lanka et le monde entier. Comment faire face à ce moment ?

Le Coronavirus est aussi une tragédie pour la mort de tant de personnes, comme en Italie, où tant de vies ont été perdues. Il s'agit d'une tragédie internationale. C'est pourquoi, le jour de la commémoration des victimes des attentats d'il y a un an, nous prions aussi pour que le Seigneur nous aide à surmonter ce moment sombre de l'histoire humaine.»

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21 avril 2020, 12:40