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Mgr Paul Tschang In-Nam, ici à gauche sur l'image lors de l'eucharistie concélébrée avec le Pape, le 20 novembre 2019 à la nonciature apostolique à Bangkok. Mgr Paul Tschang In-Nam, ici à gauche sur l'image lors de l'eucharistie concélébrée avec le Pape, le 20 novembre 2019 à la nonciature apostolique à Bangkok. 

La visite du Pape donne de l'espoir aux catholiques de Thaïlande

Entretien avec le nonce apostolique en Thaïlande avant la visite apostolique du Pape dans ce pays d’Asie du sud-est, du 20 au 23 novembre prochain. Mgr Paul Tschang In-Nam prie pour que la visite du Pape «encourage et réveille» les catholiques thaïlandais pour qu’ils deviennent des disciples missionnaires actifs dans leur pays ; eux qui ne forment qu’une toute petite minorité en terre bouddhiste.

Entretien réalisé par Marie Duhamel – Cité du Vatican

Le Pape François  effectue cette semaine son 32ème voyage apostolique, le 4ème en Asie. Après la péninsule coréenne en 2014, le Sri Lanka et les Philippines en 2015 et son déplacement en Birmanie et au Bangladesh en 2017, François se rend cette année en Thaïlande, puis au Japon ; deux monarchies constitutionnelles où s’était rendu avant lui saint Jean-Paul II en 1984 et 1981.

Si le Pape François s’est déjà rendu au Japon lorsqu’il était le provincial des jésuites d’Argentine, il foulera pour la première fois le sol thaïlandais. Sur place, l’attend une Église très largement minoritaire. Les catholiques ne représentent que 0,58% d’une population à plus de 90% bouddhiste. Le Pape viendra soutenir son troupeau qui, en dépit de sa petitesse, a une longue histoire derrière lui.

Cette année, l’Église catholique thaïe a célébré le 350ème anniversaire de l’institution canonique du premier vicariat apostolique du Siam, en 1669, par le Pape Clément IX, qui avait pour objectif de stabiliser l’œuvre missionnaire dans le pays.

Avant le Pape, le cardinal Fernando Filoni était venu célébrer cet anniversaire avec l’Église locale, en mai dernier. «L’Asie est un secteur de l’humanité d’une grande richesse culturelle et religieuse, mais plus de 85 % de ses habitants sont non baptisés », avait remarqué le préfet de la Congrégation pour l’Evangélisation des peuples lors d’une rencontre à Sampran, à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Bangkok, avec les consacrés, les séminaristes et les catéchistes, les appelant à s’engager. «L’Asie est le continent des missionnaires par excellence. L’Église universelle a besoin de votre coopération volontaire pour les activités missionnaires menées sur ce vaste continent» soulignait alors le préfet.   

 

Mgr Paul Tschang In-Nam est nonce apostolique en Thaïlande, au Cambodge et en Birmanie, ainsi que délégué apostolique au Laos. C’est là qu’il accueillera le Pape François à son arrivée le 20 novembre à la mi-journée. Mgr Tschang In-Nam revient sur les particularités de son église d’adoption.

«L’Église catholique en Thaïlande est une petite communauté. On compte moins de 400 000 fidèles, 389 948 exactement selon les statistiques de l’année  dernière, soit moins de 0,6 % de la population. On peut donc dire que l’Église en Thaïlande est une petite minorité dans un grand océan de compatriotes bouddhistes.

Bien qu’elle soit si petite, cette communauté a une longue histoire. Cette année, nous célébrons les 350 ans de la fondation du premier vicariat apostolique du Siam, l’ancien nom de la Thaïlande. L’Église a donc 350 ans d’histoire ici.

Et même si elle est une petite communauté, elle apporte sa propre contribution à la société thaïe. Je mentionnerai la contribution de l’église locale dans le domaine de l’éducation. L’Église catholique a plus de 370 écoles, de l’élémentaire à l’université. Ces écoles sont dirigées par les diocèses, des paroisses ou des congrégations religieuses et le nombre total d’élèves atteint plus de 500 000 personnes. Donc, on remarque que le nombre de jeunes éduqués au sein des écoles catholiques est largement supérieur au nombre de catholiques dans le pays. L’Église contribue également dans le domaine de la santé avec des hôpitaux et des cliniques qui font un grand travail auprès de la population. Dans le domaine caritatif, l’Église est là aussi. Elle aide les plus vulnérables, les malades du sida, les réfugiés et les migrants.

Quelles sont les difficultés de l’Église en Thaïlande? Quels défis est-elle appeler à relever ?

Je dirais que le grand défi auquel l’Église doit faire face est une question d’identité. Car le bouddhisme -qui est la confession majoritaire- est considéré comme la religion officielle de Thaïlande et ainsi les personnes considèrent leur religion bouddhiste comme partie prenante de leur identité.

Encore aujourd’hui, le christianisme est considéré par certains comme une religion étrangère, venant du monde européen. Et donc d’une certaine manière dans la société thaïe, devenir chrétien signifie dire "non" à son identité. Lors de la Seconde Guerre mondiale, la Thaïlande était alliée avec l’armée japonaise. Les pays européens étaient des ennemis et l’Église catholique était considérée comme la religion des pays ennemis. Cette expérience du passé perdure dans l’esprit de certains Thaïlandais qui considèrent que devenir chrétien, c’est devenir un traître à sa propre nation, à ses propres valeurs et à sa propre religion, le bouddhisme. Et ces considérations provoquent chez nos chrétiens un complexe d’infériorité. Cela n’encourage pas nos fidèles chrétiens à devenir des disciples missionnaires annonçant activement la Bonne Nouvelle, du Salut que nous a apporté Jésus-Christ. C’est un des grands défis que l’Église doit relever ici en Thaïlande

Dans ce contexte, qu’attend la communauté catholique de la venue du Pape ?

C’est notre prière et notre vœu que l’imminente visite apostolique du Saint-Père, alors que nous célébrons le 350 ème  anniversaire de la création du vicariat du Siam, soit une occasion de remercier Dieu pour tout le travail des premiers missionnaires qui, en évangélisant, ont donné leur vie pour l’Église en Thaïlande.

C’est aussi une occasion pour nous. La venue du Pape peut encourager et réveiller notre vocation missionnaire comme membres de l’Église catholique dans ce pays.

Ensuite, bien sûr, le Pape est notre pasteur et berger suprême pour nous les catholiques mais, comme nous le savons bien, il est également reconnu par les non catholiques comme une sorte de leader du monde, considéré comme un prophète qui apporte un message de paix et de miséricorde, de pardon et de réconciliation ; il défend les valeurs humaines fondamentales et authentiques auquel nous sommes tous appelés pour construire notre maison commune, une société où la dignité de chaque personne est respectée et où les gens se respectent les uns les autres. Ce genre de message va encourager nos fidèles catholiques et au-delà, tous les habitants de Thaïlande. Ceci est notre espoir et notre prière.

Le Pape va rencontrer le patriarche suprême des bouddhistes, la dimension interreligieuse de ce voyage est également soulignée. Quelles relations entretiennent les catholiques et les bouddhistes ?

Parce que la Thaïlande est un pays bouddhiste, ici le dialogue interreligieux est un devoir. D’ores et déjà l’Église locale est engagée dans le dialogue interreligieux avec nos amis bouddhistes, et de différentes façons. Il y a des visites régulières entre chefs religieux, il y a des rencontres interreligieuses afin de développer les relations fraternelles entre l’Église catholique et les bouddhistes.

À ce titre, je voudrais souligner le fait qu’une délégation de 50 moines bouddhistes a visité le Saint Siège, en mai 2018. Cette délégation a été reçue par le Pape. Ils avaient apporté avec eux à cette occasion une transcription en thaï contemporain d’un livre ancien écrit par Phra Malai, un moine très respecté de l’histoire thaïlandaise. Cette traduction a été offerte par les moines au Saint-Père, en hommage. Le Saint-Siège a souhaité exprimer sa gratitude, et a envoyé à Bangkok une délégation qui est venue en novembre 2019 pour prendre part au célébration 250 ème anniversaire de la fondation du temple royal ici en Thaïlande.

Nous espérons que la visite du Pape va nous encourager à développer davantage nos relations fraternelles. Nous exprimons notre gratitude pour sa prochaine visite au patriarche suprême des bouddhistes.

Il y aura également une rencontre avec les leaders de différentes confession et notamment des chrétiens à l’université de Chulalongkorn.»

(5% des Thaïlandais sont de confession musulmane, tandis que la totalité des chrétiens représente 1% de la population)

 

 

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20 novembre 2019, 17:41