Un combattant kurde replaçant symboliquement une croix sur les ruines d'une église arménienne de Raqqa, en Syrie, le 26 décembre 2017. Un combattant kurde replaçant symboliquement une croix sur les ruines d'une église arménienne de Raqqa, en Syrie, le 26 décembre 2017. 

Aumônier militaire, une mission délicate au cœur de la souffrance humaine

Près de 130 aumôniers militaires venus de 47 pays, dont de nombreux évêques aux Armées, se sont réunis pendant trois jours au Vatican pour participer à une rencontre organisée par le Dicastère pour le Service du Développement humain intégral. En cette année 2019, le Congrès coïncide avec le 70e anniversaire de la Convention de Genève. Le thème a été choisi en conséquence, invitant les aumôniers à débattre sur "La privation de liberté dans les situations de conflit armé. La mission des aumôniers militaires."

Cécile Mérieux – Cité du Vatican

Du 29 au 31 octobre, les aumôniers du monde entier ont échangé sur leur expérience et les difficultés qu’ils rencontrent dans leurs différentes situations. Ils ont été reçus ce jeudi matin par le Pape François. «C’est l’occasion de réfléchir sur la vocation de l’aumônerie militaire, explique Mgr Antoine de Romanet, évêque aux Armées françaises, d’être en prise sur l’actualité la plus récente puisque de nombreux aumôniers militaires de nombreux pays peuvent nous donner un écho très direct de ce qui se passe, de ce qu’ils vivent, de la manière dont des sujets se posent, pour nous c’est extrêmement enrichissant. »

Ecouter les expériences des autres, quand bien même il s’agit de réalités très différentes entre les pays, permet de partager des réflexions sur des problématiques auxquelles tout aumônier militaire pourrait être confronté. «Cela permet à chacun d’anticiper les questions qu’il pourrait se poser, poursuit Mgr de Romanet. Ça nous permet de partager notre expérience, d’accompagner certains de nos frères dans les questions qu’ils se posent.»

Les aumôniers militaires, en première ligne

Mgr Romanet décrit le travail fondamental d’accompagnement des aumôniers, et de leur présence précieuse sur les terrains les plus difficiles. «D’une certaine manière, l’aumônier militaire anticipe ce que le Pape François appelle "aller aux périphéries". Nul plus que l’aumônier militaire n’est aux périphéries. Il est en contact extrêmement privilégié avec toute une classe d’âge de jeunes hommes de 18 à 25 ans qui n’ont pas spontanément le réflexe d’aller dans des églises et qui pour autant sont extrêmement heureux de pouvoir avoir un ’padre’ avec lequel échanger, discuter de leur situation personnelle. Celle-ci est souvent difficile, notamment dû à l’éloignement. Mais également sur ce qu’ils peuvent rencontrer, sur cette mort qu’ils côtoient».

Dans des combats bien souvent très violents, les soldats peuvent être amenés à exécuter des actions qui ne respectent pas la dignité des personnes et bafouer les droits de l’ennemi ou des victimes des conflits. «Les aumôniers militaires sont là, avec leur hiérarchie, pour sans cesse rappeler cette humanité, cette dignité, et les valeurs fondamentales sur lesquelles l’Évangile nous invite à sans cesse nous appuyer, pour les rayonner.»

La mission de l’aumônier

Jeudi 31 octobre, les aumôniers réunis ont rencontré le Pape François. Ce dernier les a encouragés à se soucier des personnes privées de liberté individuelle et rendues très vulnérables entre les mains de leurs adversaires. Parmi les victimes d’abus - personnes torturées, kidnappées, assassinées- le Pape a fait remarquer les  «nombreux religieux et religieuses dont nous n'entendons plus parler, qui ont donné leur vie pour leur consécration à Dieu et leur service des autres, sans favoritisme ni parti pris nationaliste

Le Pape s’est appuyé sur un verset de l’Évangile de Matthieu pour désigner la mission des aumôniers : «J'étais en prison et vous m'avez visité» (Mt 25,36). Leur rôle «consiste à former la conscience des membres des forces armées, leur a-t-il dit, je vous encourage à ne ménager aucun effort pour que les normes du droit international humanitaire soient acceptées par tout le monde ». «Les serviteurs du Christ dans le monde militaire sont également les premiers à être au service des hommes et des femmes et de leurs droits fondamentaux. Je pense à ceux d'entre vous qui sont proches du personnel militaire dans des situations de conflit international; vous êtes appelés à ouvrir leurs consciences à cet amour universel qui rapproche une personne de l’autre, quelles que soient la race, la nationalité, la culture ou la religion de l’autre.»

Cela implique «un effort éducatif», afin de transmettre les valeurs chrétiennes et humaines, dont la tolérance et la bonté, et de former des jeunes qui soient sensibles aux autres cultures, œuvrant à la «croissance de la grande famille humaine». Le Pape a poursuivi en désignant l’enjeu de la mission des aumôniers auprès des soldats : «qu'ils puissent donner un sens à la vie de tant de personnes, jeunes ou moins jeunes, qui, en tant que militaires, ne veulent pas être dépouillés des valeurs humaines et chrétiennes.»

Les Conventions de Genève

Le Souverain pontife a insisté sur l’importance de respecter le droit international humanitaire visant à protéger la dignité des détenus, indépendamment de la nature et de la gravité des crimes qu'ils ont commis. «Le respect de la dignité et de l'intégrité physique de la personne humaine ne peut dépendre des actes commis, mais constitue un devoir moral auquel toute personne et toute autorité est appelée» a-t-il affirmé.

«Tous les aumôniers militaires sont des aumôniers d’armées officielles étatiques, indique Alain Délétroz, Directeur général de la fondation l’Appel de Genève, intervenant au cours du Congrès. Il faut leur rappeler que parfois la déshumanisation dans les troupes gouvernementales est très rapide face à des groupes armés dont les moyens de mener leurs combats sont parfois effectivement complétement en dehors des règles du droit international. Mais qu’ils doivent prendre leurs responsabilités (…) en tant que représentants d’une religion et d’une foi qui se veut être une religion et une foi en l’amour et qui place l’humain au-dessus de tout. C’est très important qu’ils utilisent cet aspect-là dans leur travail avec les troupes gouvernementales pour éviter la déshumanisation.»

Le directeur de la fondation propose aux aumôniers de travailler main dans la main pour faire respecter les droits universels sur les terrains de conflits. «C’est croire que même avec les criminels les plus durs on va pouvoir toucher à un moment cette étincelle d’humanité, déclare-t-il, et leur dire qu’à partir du moment où vous portez les armes, vous devez respecter le droit international humanitaire et si vous ne le faites pas vous basculez tout simplement de l’humanité dans la bestialité.»

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31 octobre 2019, 17:46