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Mgr Santiago Olivera (à gauche), Mgr Paul Mason (au centre) et le Pape François, lors de l'échange des statues de la Vierge de Lujan, le 30 octobre 2019 Mgr Santiago Olivera (à gauche), Mgr Paul Mason (au centre) et le Pape François, lors de l'échange des statues de la Vierge de Lujan, le 30 octobre 2019 

Une statue de la Vierge de Luján renforce la paix entre l’Argentine et le Royaume-Uni

Ce 30 octobre 2019, un geste historique s’est déroulé place Saint-Pierre, en présence du Pape François: une copie de la statue de la Vierge de Luján, sainte patronne de l’Argentine, a été restituée par Mgr Paul James Mason, évêque aux Armées du Royaume-Uni, à son homologue argentin Mgr Santiago Olivera. La statue avait été emportée par les troupes britanniques durant la guerre des Malouines (Falkland) en 1982.

Adriana Masotti et Federico Piana - Cité du Vatican

Une rétrocession, et même un don réciproque: une autre copie de la statue de la Vierge de Luján a en effet été donnée par Mgr Santiago Olivera, ordinaire militaire de l'Argentine, à Mgr Mason, son homologue anglais, ce mercredi matin. Présent place Saint-Pierre pour l’audience générale, le Pape François, lui-même argentin, a béni les deux statues.

La demande d'échange entre deux exemplaires de la statue de la sainte patronne de l'Argentine a été faite en 2018. Il s’agit là d’un geste supplémentaire de réconciliation entre les deux pays qui s'opposèrent lors de la guerre des Malouines (Falkland), entre avril et juin 1982, l’Argentine et le Royaume-Uni se disputant le contrôle de cet archipel du sud de l’océan Atlantique, faiblement habité mais dont les eaux territoriales pourraient abriter d'importantes ressources pétrolières. Après de violents combats, les Britanniques l'emportèrent et les îles retournèrent sous le contrôle du Royaume-Uni. Le conflit a fait plus de 900 morts.

D’une île à l’autre, d’une église à l’autre

La copie de la Vierge de Luján remise par Mgr Mason à Mgr Olivera avait été apportée aux Malouines par les troupes argentines. Après l'invasion des îles, les militaires l'avaient placée dans l'église Sainte-Marie, dans la capitale Port Stanley. Puis, suite à la défaite et au retrait des Argentins, les militaires britanniques s’étaient emparés de la statue pour l’amener à Aldershot, en Angleterre, dans la cathédrale catholique Saint-Michael-et-Saint-George, église de l'Ordinariat militaire britannique. La Vierge de Luján y était devenue une occasion de prière pour les tombés des deux camps. Cette copie de la statue de la Vierge revient donc en Argentine, et celle remise à Mgr Mason ce mercredi la remplacera.

Signe de communion

Dans un communiqué de la Conférence épiscopale du Royaume-Uni publié le 27 septembre dernier, Mgr Mason explique que ce geste permet de «manifester une communion dans la foi entre deux pays qui ont connu des divisions politiques». Mgr Santiago Olivera a quant à lui fait part de sa satisfaction ce mercredi matin, au micro de nos confrères de la rédaction italienne. Retraçant les étapes franchies pour parvenir à cette échange, il met en évidence le symbole de fraternité entre l'Argentine et le Royaume-Uni, et d'unité pour l'Argentine elle-même, le pays faisant face à divers défis.

Un peu d’histoire…

La statue originale de la Vierge, également connue sous le nom de Morenita (“la petite noire”) et Patroncita (“la petite patronne”), est située dans la basilique de Luján, à 68 km au nord-ouest de Buenos Aires. Son arrivée en Argentine s’est déroulée en mai 1630, sur un navire en provenance de Sao Paulo, Brésil. La petite statue en terre cuite est un cadeau du capitaine Juan Andrea à son ami Antonio Farías Sáa, qui vivait à Sumampa. Elle est gardée par Manuel, un esclave angolais. La tradition veut que la charrette qui transportait le coffret avec la Vierge, se dirigeant vers sa destination, s’arrête en atteignant la rivière de Luján. La charrette ne peut continuer sa route qu’une fois le coffret déchargé. La statuette reste donc à Luján, toujours protégée par Manuel, qui construit la première chapelle pour l’abriter. Bientôt l'histoire miraculeuse se répand, et de nombreux pèlerins commencent à affluer dans le sanctuaire initial. «Je n'ai pas d'autre Dame que la Vierge», disait Manuel, qui repose aujourd'hui à l'intérieur de l'actuelle basilique, aux pieds de la Vierge Marie.

Un tournant au 19e siècle

Au 19e siècle, la dévotion à la Vierge de Luján est largement promue par le prêtre français Jorge Maria Salvaire, évangélisateur des peuples indigènes. C'est lui qui convainc le Pape Léon XIII de donner son accord pour le couronnement de la statue, célébré en mai 1887. Grâce au Souverain Pontife, la Vierge de Luján obtient même une messe et un office propres, célébrés pour sa fête, le samedi précédent le 4e dimanche après Pâques. Le père Salvaire engage aussi la construction de l'actuelle basilique. L’édifice accueille en moyenne chaque année 9 millions de visiteurs, argentins ou non. Quand il était évêque de Buenos Aires, le Pape François s’est plusieurs fois rendu en pèlerinage à Luján avec des fidèles, s’arrêtant longuement dans le Sanctuaire pour confesser les pèlerins, surtout des jeunes gens.

Une plaque commémore également la visite de saint Jean-Paul II, en 1982, justement dans le contexte de la guerre des Malouines, quelques jours après s'être rendu au Royaume-Uni, l'autre belligérant de ce conflit. Il fut le premier Pape à célébrer une messe à Lujàn.

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30 octobre 2019, 15:27