Recherche

12 jours de crise en Équateur. 12 jours de crise en Équateur.  

Accord en Equateur, entre soulagement et refoulement du malaise

Le gouvernement équatorien et le mouvement indigène ont trouvé dimanche un accord pour sortir de la crise sociale qui paralysait le pays depuis 12 jours. Des milliers d’Equatoriens ont fêté dans les rues de Quito cet accord annulant la suppression de subvention de l’Etat sur les carburants. Pourtant, cette victoire populaire ne manque pas d’exacerber les difficultés économiques et les tensions sociales du pays.

Cécile Mérieux – Cité du Vatican

L’accord trouvé dimanche 13 octobre entre le gouvernement du président Lenin Moreno et le mouvement indigène met un terme à la mobilisation qui, depuis 12 jours, faisait des rues de Quito et des grandes villes équatoriennes, le théâtre de scènes de guérilla urbaine.

Le bilan humain est lourd: sept morts, 1 340 blessés et 1 152 arrestations, selon le bureau du Défenseur du peuple, organisme public de défense des droits. De nombreux manifestants ont été choqués par la forte répression policière.

La violence inédite de la confrontation

«Suite au dernier décret économique du président Moreno qui supprimait les subventions [sur les carburants] entre autres mesures économiques, l’Equateur est entré dans une crise totale», indique Patricia Gualinga, leader indigène du peuple Quechua de Sarayaku.

Le décret a entrainé la multiplication par deux des prix à la pompe et la hausse des prix de nombre de produits de consommation. «Les mouvements sociaux dont celui des indigènes ont déclaré une grève nationale qui a paralysé le pays» continue-t-elle. En effet, la grève des chauffeurs puis des divers secteurs d’activité a conduit au blocage des routes, à la fermeture des écoles, à un service des transports publics quasi-inexistant.

Des débordements d'une violence inédite ont émaillé la mobilisation. De longs affrontements ont opposés manifestants et forces de l'ordre, où le gaz lacrymogènes et balles de caoutchouc répondaient aux jets de pierre et de cocktail Molotov. En marge des manifestations, des usines ont été pillées, ainsi que des magasins et des exploitations agricoles. Des bâtiments symboles du pouvoir de l’État ou d’entreprises affiliées ont été incendiés.

Débordé face à cette situation incontrôlable, le président Moreno, a déplacé le siège du gouvernement à Guayaquil puis décrété l’état d’urgence instaurant un couvre-feu autour des lieux de pouvoir ou pôles d’activités et permettant le déploiement important de forces anti-émeutes.

La nécessité d’une réforme économique

La tentative du président Lenin Moreno d’une réforme économique a tourné à la débâcle. Cette politique d’austérité a été établie avec le Fond monétaire international (FMI) pour tenter de lutter contre le déficit fiscal de l’Equateur. Il y avait à la clef un prêt de 3.8 milliards d’euros. Ces mesures avaient pour objectif de redresser une économie plombée par un déficit de 1,36 milliard d’euros (près de 5% du PIB), pour une dette publique en forte hausse, à 36,2% du PIB.

La crise sociale n’a pas arrangé la situation économique du pays. Selon le Ministère de l’énergie, l’occupation de plusieurs champs pétroliers à réduit de 70% de la distribution de pétrole brut, principale produit d’exportation de l’Equateur. En outre, le tourisme, troisième source de revenus du pays, a pâti de la situation chaotique du pays.

La Chambre de commerce de Quito a prévenu que la cessation d’activité et les dommages des manifestations «provoquent des pertes de plus de 200 millions de dollars par jour, ce qui affecte directement l'emploi et l'économie de tous les citoyens».

Les indigènes en tête de la révolte

La communauté indigène a joué un rôle crucial dans la mobilisation et a su à nouveau faire plier le gouvernement, comme déjà elle avait réussi à renverser trois présidents entre 1997 et 2005.

Les indigènes, qui représentent un quart de la population, sont majoritairement des familles agricoles et peu fortunée. Ils ont été les premières victimes de ce décret sur les carburants voyant ses coûts de transport s'envoler pour écouler ses produits. Des milliers d’indigènes des Andes et d'Amazonie sont venus manifester leur mécontentement à Quito. Ils ont également exprimé, lors de cette crise, une rancœur plus large, envers les classes aisées, et les médias dont ils se disent absents.

«Nous voulons vraiment que tous, nous vivions comme des frères, affirme Mgr Rafael Cob Garcia, Vicaire apostolique de Puy, et que le peuple indigène et le peuple métisse mous marchions ensemble pour construire ce royaume de Dieu, en travaillant à prendre soin de notre Terre, nos territoires, qui réellement font partie de la vie de ces peuples

La tenue de ce dialogue a été facilitée par la médiation de l'ONU et de l'Eglise catholique, tous deux appelés par le président Moreno. Bien que l’accalmie semble revenue en Equateur, la méfiance et le ressentiment persistent entre le gouvernement et la population indigène, perçue comme un fauteur de troubles. La crise semble laisser derrière elle un climat social instable et peu constructif.

Lors de la prière au synode pour l'Amazonie lundi matin, le Pape a eu une intention toute particulière pour le peuple équatorien: «Nous confions à notre Mère nos frères Equatoriens morts, blessés, persécutés, prisonniers ces derniers jours. Qu’elle établisse la paix et les accompagne en ce moment de souffrance, surtout pour les indigènes d’Équateur».

 

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici

14 octobre 2019, 18:44