Vincent Lambert est décédé jeudi 11 juillet 2019. Vincent Lambert est décédé jeudi 11 juillet 2019. 

Vincent Lambert: le temps du recueillement, du respect et du calme

Vincent Lambert est mort ce jeudi 11 juillet 2019. Victime d’un accident en 2008, tétraplégique en état végétatif, il était hospitalisé au CHU de Reims. Il avait été plongé dans une sédation profonde et continue, depuis l’arrêt de sa nutrition et de son hydratation artificielles, il y a neuf jours. Le père Thierry Magnin, secrétaire général de la Conférence des évêques de France, exprime sa «tristesse» et invite au recueillement. Il réagit à ce décès et à cette tragique affaire très médiatisée.

Entretien réalisé par Hélène Destombes – Cité du Vatican

«Il y a deux éléments qui me viennent, le recueillement d’une part et une profonde tristesse au regard de la manière dont tout cela s’est passé, d’autre part. Le recueillement bien sûr parce que c’est un drame: la mort d’un homme qui a eu un terrible accident. C’est aussi la grandeur d’une vie, cette grandeur de vie qui va au-delà de tous les arguments, notamment en faveur du choix que les médecins et la justice ont fait de mettre fin à cette existence. Mais aussi une tristesse parce que le drame de cet accident, qui a touché une famille, se double d’un déchirement à l’intérieur de cette famille avec une forme d’instrumentalisation, qui a entrainée beaucoup de confusion dans ce qui n’était pas une fin de vie. Il faut respecter aujourd’hui dans le recueillement la position des parents de Vincent Lambert, la position différente de son épouse. Je pense qu’il faut faire attention, et en matière d’éthique on est en général très prudent, on ne juge pas des personnes mais des situations, c’est tout à fait différent. Et aujourd’hui devant la mort de Vincent toute la famille, quelques soient les positions, a vraiment droit au recueillement, au respect et au calme.  

 

Il y a beaucoup de souffrance autour de cette affaire, il y a également eu beaucoup de violence, vous regrettez un débat qui a été trop idéologique ?

Un débat qui a été trop instrumentalisé, un débat interne dans une famille et donc les questions d’acharnement thérapeutique et d’euthanasie se sont reposées alors que l’on ne peut pas dire que Vincent Lambert était en fin de vie même s’il était alimenté de manière artificielle par une sonde. On ne peut pas dire d’ailleurs que le fait d’être alimenté par une sonde soit un traitement démesuré donc on ne peut pas parler d’acharnement thérapeutique, me semble-t-il.

L’Église de France a pris la parole à plusieurs reprises pour rappeler la valeur inestimable de la vie et inviter à promouvoir une civilisation de l’amour. Cette parole est-elle audible ?

Dans un cas aussi médiatisé, il est très difficile de mettre sur la table les éléments de fond. Quand l’Église catholique par exemple promeut la dignité inaliénable de toute personne humaine, quelques soient ces conditions de vie, elle peut très facilement être jugée comme étant «bio-conservatrice». C’est un terme que l’on entend beaucoup aujourd’hui et qui semble disqualifier cette position sans en regarder toute la profondeur. 

A travers le cas Vincent Lambert, ne sommes-nous pas tous interrogés sur notre capacité à appréhender la fragilité, mais aussi la mort ?

Bien sûr la mort fait peur et dans une société très «technicisée» où l’on peut parfois avoir l’impression que la technique va résoudre les problèmes, comme dans le cas du transhumanisme, y compris nos limites, y compris la dernière limite qu’est la mort, il est difficile de regarder notre fragilité, notre vulnérabilité et le sens de la vie devant la mort. Et pourtant notre condition mortelle est essentielle. Elle est difficile mais essentielle, pour envisager l’homme et pour envisager sa vie. Et nous chrétiens qui croyons que la mort est un passage, certes difficile mais un passage, et que la vie est plus forte que la mort, nous regardons cette condition de fragilité sans perdre de vue cette dignité. Nous la regardons comme un passage essentiel de la vie et non pas comme un moment à abréger (…) Ce sens de l’homme vulnérable, est la pierre d’angle de l’éthique dans la vision chrétienne. Cela renvoie à tout être humain, y compris ceux en bonne santé; il s’agit d’éléments clefs de leurs conditions, qui sont vitales pour prendre des décisions et des responsabilités dans le monde d’aujourd’hui.

Quels enseignements tirés de ce drame, ont fait bouger les lignes en termes de fin de vie, d’accompagnement, de handicap ?

Je pense qu’il faut le temps de la relecture, parce qu’il faut d’abord sortir des grandes confusions. Donc il nous faut revenir sur les conditions dans lesquelles Vincent Lambert a vécu ses dix dernières années, avant de pouvoir faire bouger des lignes sur le fait d’oser regarder la mort et l’accompagnement de fin de vie en face.

Aujourd’hui le temps est au recueillement, au silence à la miséricorde, c’est un moment d’introspection, une invitation à sonder notre for interne ?

Je crois. Je pense aux parents de Vincent Lambert qui ont lutté jusqu’au bout pour défendre sa vie. Je pense aussi à son épouse qui, me semble-t-il, a dû vouloir faire au mieux et lorsque l’on a ces deux positions extrêmes, toutes les deux concernées directement parce que c’est un fils ou un époux, le recueillement doit être très très fort. Je dirais même que le recueillement, je l’espère profondément dans ma foi, peut-être est-il aussi un lieu capital pour reconstruire et ouvrir des chemins de réconciliation, même s’ils sont longs et certainement difficiles, et pour que nous-mêmes par conséquence ayons ce regard fondamental sur ce qu’est la vie, ce qu’est l’homme dans son dernier souffle et ce qu’est sa vulnérabilité.  Il ne s’agit pas simplement de cas mais de questions humaines profondes. Et il faut éviter de faire du cas Vincent Lambert une généralité même si la relecture que nous devons faire en prenant vraiment le temps du recueillement et de l’approfondissement doit nous éviter de nous retrouver dans des conditions aussi dramatiques que celles vécues ces dix dernières années.

 

    

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11 juillet 2019, 16:48