Mgr Charles Morerod concélèbre la Messe avec le Pape François en visite à Genève, le 21 juin 2018 Mgr Charles Morerod concélèbre la Messe avec le Pape François en visite à Genève, le 21 juin 2018  

Mgr Morerod: «Nous avons un besoin urgent de changement de la culture interne à l’Église»

Dans sa lettre pastorale lue dans toutes les paroisses de son diocèse les 16 et 17 mars derniers, l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg revient sur la crise des abus au sein de l’Église. Faisant référence au récent sommet sur la protection des mineurs qui s’est tenu au Vatican, il encourage l’ensemble des catholiques à une attitude responsable et ouverte au dialogue.

Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican

«J’avais écrit une lettre pastorale, et je l’ai changée. Je ne peux pas ne rien dire des événements qui troublent gravement notre Église et sa crédibilité», explique Mgr Charles Morerod au début de sa lettre pastorale. Dans son texte, intitulé «Le dialogue pour la vérité», l’évêque suisse livre son regard sur la crise des abus qui secoue l’Église depuis plusieurs mois.

Une responsabilité partagée

«Les abus sont dramatiques, et le sont d’autant plus qu’ils concernent des personnes qui ne peuvent pas se défendre: des mineurs mais aussi des femmes majeures (entre autres des religieuses) que l’on a activement maintenues dans une situation de dépendance. La mise en lumière de ces abus mérite un jugement d’abord positif, malgré la souffrance qu’elle provoque chez des victimes qui revivent leur drame, mais aussi chez les personnes qui aiment l’Évangile et l’Église», analyse le dominicain. «Ce sont d’abord les victimes qui doivent être protégées, ainsi que d’éventuelles futures victimes des mêmes abuseurs. Il est vraiment bon que la lumière s’étende toujours plus, car elle est la condition d’un changement en profondeur», rappelle-t-il.

L’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg met en garde ceux qui seraient tentés de se défausser. «Certes la grande majorité d’entre nous se dit: “Je n’ai pas à payer pour les fautes des autres!” Oui et non, car même lorsque des abus ont été commis par des prêtres (et évêques), les victimes pointent du doigt une complicité plus large de la “société chrétienne”», prévient-il.  

À l’instar du Pape François, Mgr Morerod affirme que «nous devons revoir notre point de vue, notamment sur les types d’autorité dans l’Église, qui sont prévus pour servir et non pour favoriser de ridicules vanités, d’utilisation d’autrui pour son propre ego, conduisant à d’odieux esclavages». L’évêque ajoute: «Je vois ma propre responsabilité à cet égard, mais je ne peux la porter seul».

Une mise en lumière nécessaire

Il revient ensuite sur le travail déjà effectué et qui continue au sein de l’Église catholique. «Le fait que les présidents des conférences des évêques du monde entier aient été rassemblés par le pape, et que le même pape ait dénoncé des abus sur des religieuses, tout cela est une mise en lumière bienvenue et nécessaire», d’après Mgr Morerod. «Je sais que beaucoup demandent que l’on passe des paroles à des mesures précises. J’espère qu’elles vont venir, tout en voyant la difficulté qu’il y a à présenter des mesures identiques pour le monde entier, par exemple en exigeant une dénonciation auprès de la justice de l’Etat, alors que les États ne sont pas partout une aide». L’évêque souligne ensuite que «fondamentalement, nous avons un besoin urgent de changement de la culture interne à l’Église, par la reconnaissance par Dieu de notre égalité devant lui, avec une priorité aux plus faibles».

Il salue également le rôle de ceux qui acceptent de prendre la parole au sujet des abus: «Je suis témoin de l’aide qu’apportent des victimes et des journalistes quand on accepte le dialogue. Les catholiques qui pensent en ce moment que l’Église est victime d’une campagne de dénigrement sous-estiment la lassitude de personnes qui, en aidant à faire la lumière, désirent souvent aider aussi l’Église à se purifier», peut-on lire.

Dialoguer au-dedans et au-dehors de l’Église

Enfin Mgr Morerod préconise le dialogue comme voie d’accès à une vérité libératrice, sans craindre la confrontation d’opinions différentes. «On voit sur les réseaux sociaux des groupes de personnes qui partagent toujours des informations allant dans le même sens … Ce risque touche évidemment aussi l’Église: ne rentrons pas dans notre coquille face à la critique». L’évêque suisse rappelle les bienfaits de «décennies de dialogue œcuménique» au sein de la confédération helvétique, invitant aussi à entretenir le dialogue «au sein de l’Église».

La lettre pastorale de Mgr Morerod se termine sur un encouragement fort à l’adresse des fidèles, en résonnance avec l’actualité: «aimons la lumière, n’en ayons pas peur, et que la souffrance liée à des critiques fondées soit pour toutes les personnes impliquées une occasion de libération! Que notre humiliation nous rende plus fidèles au Christ, afin que l’on puisse voir dans l’Église l’Évangile qui continue!»

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19 mars 2019, 12:28