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Des religieuses, marchant dans une rue à Jérusalem. Des religieuses, marchant dans une rue à Jérusalem. 

Colère, tristesse et indignation face aux abus sexuels sur des religieuses

Un documentaire diffusé ce mardi soir sur la chaine franco-allemande Arte, et intitulé “Religieuses abusées, l’autre scandale de l’Église” suscite une prise de conscience sur l’ampleur des phénomènes d’abus dont de nombreuses religieuses ont été ou sont victimes à travers le monde.

Dans un communiqué diffusé à la suite de la diffusion de plusieurs extraits de «ce reportage terrible et dramatique sur les abus sexuels dont des religieuses ont été victimes de la part de religieux ou de prêtres diocésains», la Conférence des évêques de France s’associe à la Conférence des Religieux et Religieuses de France (Corref) dans «sa profonde indignation, sa tristesse et sa colère». «C’est d’abord vers les religieuses et religieux, victimes de ces abus, que la CEF tourne ses pensées et ses prières. Tous les évêques de France veulent leur apporter leur soutien.»

«La lutte contre les abus sexuels et toute autre sorte d’abus dans l’Eglise est aujourd’hui une priorité que chacun doit porter en pleine responsabilité, affirme la CEF. C’est le message que les Présidents de conférences épiscopales du monde entier ont partagé récemment à Rome lors de la rencontre pour la protection des mineurs que le Pape François avait souhaitée. C’est avec cette conviction que la CEF et la Corref poursuivent leurs efforts pour accueillir et écouter les personnes victimes mais aussi, avec elles, pour continuer ce combat contre tout abus dans l’Eglise : abus de pouvoir, abus de conscience, abus sexuels», affirment les évêques en reprenant les termes utilisés par le Pape François dans sa Lettre au Peuple de Dieu publiée l’été dernier.

La réaction ferme de la Conférence des religieux et religieuses de France

Dans un autre communiqué, les responsables de la Corref, engagés de longue date avec fermeté dans la lutte contre ces phénomènes d’emprise et de manipulation sectaire, écrivent que «ce reportage est glaçant et ce qu’il dépeint difficilement supportable. Ce qu’il montre de complicités, de mensonges, de trahisons, de déni, de perversions et de comportements criminels et impunis, est insoutenable». «L’ennemi est à l’intérieur», souligne la Corref en reprenant des propos tenus le 21 février au Vatican par le cardinal Salazar Gomez, archevêque de Bogota, lors de la Rencontre sur la protection des mineurs.

«Le reportage repère des causes internes à l’Église : le caractère sacré du prêtre et du religieux, un pouvoir omnipotent, une conception avilissante de l’obéissance, un machisme parfois viscéral, une fourberie hallucinante et une réification des femmes, y compris quand elles se retrouvent enceintes. Il nomme aussi des causes exogènes comme le dénuement de religieuses ou de la communauté. Une précarité qui peut occasionner un véritable marchandage sexuel dont des supérieures sont alors complices», soulignent les responsables de la CORREF, reconnaissant qu’en France la prise de conscience de ces phénomènes arrive très tardivement.

«Si nombre de responsables d’Instituts religieux féminins internationaux sont très attentives à la protection de leurs sœurs, spécialement dans tel ou tel continent ou circonstances, le travail des journalistes d’investigation d’Arte rappelle l’ampleur de ce qui reste à faire, reconnaît la Corref. À commencer par - comme pour la pédocriminalité - en finir avec l’impunité des abuseurs et avec les complicités actives ou passives. Mais aussi débusquer, encore et toujours, le lien mortifère entre les abus de pouvoir, les abus spirituels et les agressions sexuelles.»

Les responsables de la Corref identifient toutefois une «fenêtre d’espérance» dans ce documentaire, grâce à «des religieuses, des religieux et des laïcs qui se dressent avec un grand courage, à Rome, au Québec, aux États Unis, en Afrique et partout contre ces crimes et ces délits insupportables et accompagnent les victimes».

Détermination à écouter, accompagner et protéger les victimes

«La Corref, pour sa part, est déjà engagée dans le combat contre tous les abus. Il est et sera long. Mais notre détermination est totale à soutenir les victimes, à épauler les Instituts et les responsables qui mettent tout en place pour protéger leurs membres et dénoncer les faits. L’Union internationale des Supérieures Générales, à Rome, s’est prononcée très clairement afin que toutes les sœurs qui ont été et sont victimes puissent sans crainte prendre la parole, sachant alors qu’elles seront écoutées, accompagnées, protégées. La Corref se fait le relais de cet appel et de cette supplication afin que personne ne soit délaissé.»

«Là où nous, responsables dans l’Église, avions charge, au nom du Christ serviteur, de protéger les enfants et les personnes vulnérables, de soutenir la conscience, la dignité, la liberté et l’espérance de celles et ceux qui avec confiance rejoignent la vie religieuse, nous avons collectivement gravement failli. C’est un malheur autant qu’un scandale qui n’est pas excusable. Il nous incombe aujourd’hui de dire cette faute, responsable de vies fracassées, et de nous engager ici et partout, afin que cela ne puisse se perpétuer . L’engagement de tous dans l’Église et l’aide de compétences extérieures sont indispensables», concluent les auteurs de ce communiqué.

Ce texte est signée par sœur Véronique Margron, religieuse dominicaine et présidente de la Corref, et par les deux vice-présidents de cette organisation, qui sont deux prêtres, le spiritain Marc Botzung et le salésien Daniel Federspiel.

Le communiqué des Frères de Saint-Jean

«À la suite du témoignage bouleversant d’une victime du père Marie-Dominique Philippe diffusé ces derniers jours, les Frères de Saint-Jean tiennent en premier lieu à redemander pardon à toutes les victimes de celui-ci», affirment par ailleurs les membres de cette communauté dans une autre déclaration liée à la diffusion de ce documentaire.

«Les Frères de Saint-Jean condamnent toute situation d’abus sexuel et de pouvoir et réaffirment leur engagement, en communion avec le Pape François, dans la lutte contre les abus, assurent-ils. Ils ont conscience de porter une histoire communautaire d’environ 45 ans marquée douloureusement, par les abus sexuels de leur fondateur – révélés en 2013 sur la propre initiative du Prieur général – et ceux commis par des frères, ainsi que par les erreurs passées dans la gestion de cas d’abus sexuels, notamment par manque de prise de conscience de la souffrance des victimes et par manque de formation et de procédures.»

«Nous comprenons que des victimes puissent toujours être en colère vis-à-vis de notre Communauté», reconnaissent-ils, en expliquant toutefois qu’un «travail important a été entrepris avec courage et détermination depuis des années par le gouvernement des Frères de Saint-Jean afin que les erreurs et les fautes du passé ne se reproduisent plus». Ils précisent que le Vatican a reconnu la qualité des efforts fournis.

Le Prieur général dans son courrier aux frères du 20 février 2019 précise : «Pour lutter contre les abus multiples et la culture interne qui les a rendus plus facilement possibles, il fallait au moins travailler sur quatre plans : 1) la formation des frères ; 2) la possibilité pour les victimes d’être tout de suite entendues ; 3) la possibilité de traiter sérieusement et rapidement les cas qui se présentent ; 4) la possibilité d’accompagner les victimes d’abus et de les aider vraiment».

Les actions portent sur «le discernement, la formation initiale et continue des frères sur les questions de vie affective et sexuelle, la prévention de la pédophilie, l’accompagnement spirituel, les procédures en cas de témoignages mettant en cause un frère, avec en particulier la création d’une commission en 2015 comportant notamment deux laïcs dont une psychologue, et qui implique une totale collaboration avec Rome et les autorités civiles». Ils expliquent faire appel à des personnes extérieures à la communauté afin d’éviter toute ambiguïté dans l’accompagnement de ces situations.

Ils rappellent également le contact de la commission mise en place par la communauté sos.abus@stjean.com ainsi que celui de la cellule d’écoute de la Conférence des évêques de France paroledevictimes@cef.fr.

«Notre engagement à corriger ce qui doit l’être est aussi motivé par le désir que ne soit pas occulté le bien qui se fait dans la cinquantaine de prieurés que compte Les Frères de Saint-Jean sur les 5 continents ; et que la vie de la très grande majorité des frères, consacrée au service de Dieu et des hommes, continue à être signe d’espérance dans le monde», expliquent-ils.

Le Prieur général concluait ainsi son courrier aux frères du 20 février : «Le travail entamé ensemble portera certainement du fruit pour notre Communauté à moyen terme, même si c’est dans les larmes qu’il faut semer.»

 

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05 mars 2019, 12:01