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Sommet sur la protection des mineurs du 21 au 24 février 2019 au Vatican. Sommet sur la protection des mineurs du 21 au 24 février 2019 au Vatican. 

«Le salut n’est possible que si l’Église accepte de se mettre sous le jugement»

Entretien avec Anne-Marie Pelletier, théologienne et professeur au Collège des Bernardins, sur le repentir et le poids du péché porté par l’Église.

L’Église est-elle aujourd’hui au bord de l’abîme ?

Anne-Marie Pelletier: L’Église porte le poids de son propre péché, de la faillite d’un certain nombre de ses membres. L’Église est défigurée par ses propres péchés, et je crois qu’il faut que nous ayons le courage de le dire. Je pense en ce moment au chapitre 23 de l’Évangile selon Saint Mathieu. Jésus s’en prend aux scribes et aux pharisiens qui sont dans la chaire de Moïse. Il leur reproche toute une série d’hypocrisie et de malversations: «Malheur à ceux qui se présentent à l’extérieur comme des tombeaux blanchis, et qui à l’intérieur abritent toute sorte de péchés et de transgressions». Tout cela nous invite à la pénitence. 

Le Pape a présidé une liturgie pénitentielle durant ce sommet pour la protection des mineurs. Quel repentir peut-on attendre de prêtres qui ont abusé d’enfants ?

Cette liturgie pénitentielle, c’est l’Église qui va présenter à Dieu, à travers le Pape, toute cette misère, dans la conscience de la solidarité dans le péché qui nous lie. Quant à la conversion de ces prêtres criminels.. À Dieu le jugement. Il faut qu’il se soumette à la justice des hommes. Et pour le reste, c’est un mystère que nous ne devons pas forcer. Nous devons bien entendu espérer que ces hommes guérissent. 

 

La redéfinition de la figure du prêtre qu’appelle de ses vœux le Pape est-elle révolutionnaire ?

Tout au long de son histoire, l’Église a eu le souci de définir la fonction de ses membres. Aujourd’hui, c’est une démarche particulièrement urgente. Il faut reprendre notre théologie du sacerdoce, sachant que certaines identifications se révèlent pathogènes. Les prêtres sont en charge d’un certain nombre de pouvoirs et de responsabilités qui peuvent être exercés de façon abusive, si tout cela n’est pas pensé correctement.

Comment transformer la crise actuelle, ces ténèbres que nous traversons, en purification, à l’image de la Passion et de la Résurrection ?

Le Christ est le saint par excellence, alors que l’Église est le corps du Christ qui reste profondément marqué par le péché de ses membres. Nous devons souhaiter l’effet de purification, mais ne parlons pas trop vite de l’au-delà de cette crise, car cela peut être une manière d’esquiver la réalité. Or, il s’agit aujourd’hui de faire la vérité jusqu’au bout quoi qu’il en coûte. Cette parole ne peut nous parler authentiquement de salut que si nous avons commencé par accepter de nous mettre sous le jugement, et de voir que de fait, nous sommes dans une situation de ténèbres. Sachant tout de même que Dieu a le pouvoir de surmonter ces ténèbres, mais attention à ne pas faire du salut un tour de passe-passe. La foi dans le salut n’a de sens que si nous éprouvons la réalité du mal.  

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23 février 2019, 18:14