Manifestation à Kinshasa, le 31 décembre 2017. Manifestation à Kinshasa, le 31 décembre 2017. 

RDC: le cardinal Monsengwo dénonce la répression "barbare" des manifestations

L'archevêque de Kinshasa réagit suite aux violences survenues le 31 décembre.

Suite aux troubles survenus en République démocratique du Congo le 31 décembre, le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, archevêque de Kinshasa, a réagi dans un communiqué rendu public ce mardi 2 janvier. En des termes d’une grande fermeté, le cardinal a exprimé sa condamnation de la répression policière des marches organisées dimanche pour le premier anniversaire de l’accord signé un an plus tôt par le gouvernement et l’opposition, sous l’égide de l’épiscopat. La répression aurait fait au moins 12 morts selon les organisateurs de la marche, un chiffre démenti par le gouvernement. Alors que le mandat du président Joseph Kabila est arrivé à échéance depuis plus d’un an, le cardinal Monsengwo dénonce l’enlisement de la crise politique.

Pour l’archevêque de Kinshasa, l’absence d’application concrète de l’accord du 31 décembre 2016 crée un «malaise socio-politique» dont la «marche pacifique et non violente organisée par le Comité laïc de coordination» s’est fait l’écho. Le cardinal Monsengwo condamne les actes de «barbarie» commis par de «prétendus vaillants hommes en uniforme» dont il liste les exactions : «le fait d’empêcher les fidèles chrétiens d’entrer dans les églises pour participer à la messe suivant l’ordre reçu d’une certaine hiérarchie militaire, le jet de gaz lacrymogène pendant la célébration eucharistique dans les différentes paroisses de Kinshasa, le vol d’argent, d’appareils téléphoniques, la poursuite, la fouille systématique des personnes et de leurs biens dans l’église et dans les rues, l’entrée des militaires dans les cures de quelques paroisses sous prétexte de rechercher les semeurs des troubles, les tueries, les tirs à balles réelles et à bout portant sur des chrétiens tenant en mains bibles, chapelets et crucifix, les arrestations des prêtres et fidèles, etc.»

Le cardinal dénonce les atteintes à la liberté religieuse et «l’accaparement des ressources, des richesses, le maintien au pouvoir par des méthodes anti-constitutionnelles», qui provoquent de graves dommages. Pour l’archevêque de Kinshasa, «il est temps que la vérité l’emporte sur le mensonge systémique, que les médiocres dégagent et que règnent la paix, la justice en RDC».

Dans un autre communiqué, la nonciature apostolique précise que le Saint-Siège ne condamne ni n’approuve la marche du 31 décembre, mais rappelle que «la promotion de la justice sociale et la défense des droits civils et politiques des citoyens font intégralement partie de la Doctrine Sociale de l’Église».

Texte intégral du communiqué de l'archevêque de Kinshasa:

DECLARATION DU CARDINAL LAURENT MONSENGWO EN MARGE DE LA MARCHE DU 31 DECEMBRE 2017

Chers frères et sœurs,

Ce n’est plus un secret pour personne que le climat du pays en général et de la capitale en particulier est caractérisé par un regain de peur et d’énervement, d’incertitude sinon de panique.

Nous sommes témoins d’incidents malheureux survenus le dimanche 31 décembre 2017 lors de la marche pacifique et non violente organisée par le comité laïc de coordination, dans le but de réclamer l’application réelle de l’Accord politique global et inclusif du Centre Interdiocésain de Kinshasa (Accord de la Saint-Sylvestre), accord violé volontairement.  Ceci crée un malaise socio-politique que traverse notre cher et beau pays, la RD Congo (cf. Message de l’Assemblée plénière extraordinaire des Evêques de la Cenco, 24 novembre 2017).

Nous ne pouvons que dénoncer, condamner et stigmatiser les agissements de nos prétendus vaillants hommes en uniforme qui traduisent malheureusement, et ni plus ni moins, la barbarie.  Nous en voulons pour preuves : le fait d’empêcher les fidèles chrétiens d’entrer dans les églises pour participer à la messe suivant l’ordre reçu d’une certaine hiérarchie militaire, le jet de gaz lacrymogène pendant la célébration eucharistique dans les différentes paroisses de Kinshasa, le vol d’argent, d’appareils téléphoniques, la poursuite, la fouille systématique des personnes et de leurs biens dans l’église et dans les rues, l’entrée des militaires dans les cures de quelques paroisses sous prétexte de rechercher les semeurs des troubles, les tueries, les tirs à balles réelles et à bout portant sur des chrétiens tenant en mains bibles, chapelets et crucifix, les arrestations des prêtres et fidèles, etc.

Nous demandons aux uns et aux autres de faire preuve de sagesse et de retenue.  Que des mystifications présentées comme informations véridiques et fiables.  Il est temps que la vérité l’emporte sur le mensonge systémique, que les médiocres dégagent et que règnent la paix, la justice en RD Congo.

Comment ferons-nous confiance à des dirigeants incapables des protéger la population, de garantir la paix, la justice, l’amour du peuple ?  Comment ferons-nous confiance à des dirigeants qui bafouent la liberté religieuse du peuple, liberté religieuse qui est le fondement de toutes les libertés (cf. Benoît XVI, Liberté religieuse, chemin vers la paix) ?

Le sait-on, la liberté religieuse est un élément essentiel de l’Etat de droit, on ne peut la nier sans porter atteinte à tous les droits et aux libertés fondamentales.  L’instrumentalisation de la liberté religieuse pour masquer des intérêts occultes comme par exemple l’accaparement des ressources, des richesses, le maintien au pouvoir par des méthodes anti-constitutionnelles, peut provoquer et provoque des dommages énormes aux sociétés, en l’occurrence la nôtre.

Nous voulons un Congo des valeurs et non d’anti-valeurs.

Puisse le Seigneur accorder à notre pays une paix durable dans la justice et la vérité, et à nos morts pour la liberté, le salut éternel.

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02 janvier 2018, 15:12