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Des militaires surveilent un camp de déplacés burkinabés, à Dori, au Burkina Faso, le 3 février 2020. Des militaires surveilent un camp de déplacés burkinabés, à Dori, au Burkina Faso, le 3 février 2020.  Les dossiers de Radio Vatican

Le Burkina Faso, entre transition politique et lutte anti-terroriste

Dans un entretien à Vatican News, le cardinal Philippe Ouédraogo évoque la situation sécuritaire au Burkina Faso. L’archevêque de Ouagadougou invite les organisations régionales africaines à intensifier leur action en faveur de la paix.

Françoise Niamien et Jean Charles Putzolu

Onze civils ont été tués au Burkina Faso en début de semaine, victimes de djihadistes présumés, lors d’une attaque contre deux villages. Quelques jours plus tôt, une trentaine de terroristes avaient été abattus lors d’une attaque contre un détachement de l’armée. Ces épisodes de violences sont récurrents dans le pays, qui peine à lutter contre la violence terroriste, quatre mois après le renversement du président Roch Kaboré par un coup d’état militaire.

L’éradication du terrorisme de matrice islamiste était l’objectif de la junte militaire burkinabaise. Sur le terrain, cependant, les opérations particulièrement compliquées coûtent la vie à de nombreux militaires. La population, qui n’avait jusqu'ici pas manifesté de réelle opposition à la prise du pouvoir par l’armée, commence à s’interroger, à en croire l’ancien président de la Commission électorale indépendante. Newton Ahmad Barry se demande si les burkinabés n’ont pas «abandonné la peste pour le choléra», d’autant que l’incertitude persiste sur la durée de la transition politique. Une inquiétude soulignée par les Nations Unies, qui invitaient il y a une semaine encore à accélérer la transition, afin qu'elle réponde aux doléances de la population.

Dialogue et soutien international

Pour le cardinal Philippe Ouédraogo, archevêque de Ouagadougou, le Burkina ne pourra redresser la tête qu'à travers le dialogue et avec le soutien des organisations africaines et internationales. «C’est une situation très préoccupante non seulement pour le Burkina Faso, mais pour notre sous-région ouest africaine : le Mali, le Niger, le Nigeria ou le Burkina Faso, confrontés aux grands défis de la violence, du terrorisme et du djihadisme», explique-t-il. Tournant son regard vers l’Ukraine, l’archevêque ajoute que «le monde entier aspire à la paix. Ce qui se passe en Russie, en Ukraine, est un scandale. L'humanité est incapable d'aimer la paix, l'humanité est incapable de faire la paix. C'est une catastrophe».

Quant à la prise de pouvoir par les militaires, en Janvier dernier, «ceux qui viennent de prendre le pouvoir par les armes se rendent bien compte que ce n'est pas si simple que cela», observe le cardinal. «Depuis la déstabilisation au Nigeria avec Boko Haram et la Libye etc., c'est toute une chaîne de violence qui ne fait que se pérenniser au détriment des populations innocentes».

Depuis 2015, les attaques terroristes ont fait plus de 2000 morts au Burkina Faso, et contraint 1,8 millions de personnes à quitter leurs villages. Le cardinal Ouédraogo précise par ailleurs qu’en raison de ces violences, plus de 3000 écoles sont actuellement fermées. «C'est une catastrophe pour un pays. Pensez à tous ces enfants, toutes ces femmes et ces familles disloquées», déplore-t-il.

Des causes internes et externes à la violence du pays

Le prélat burkinabé s’interroge sur les causes de ces violences: «il y a certainement des causes internes et des causes externes. Il faudrait une plus grande synergie et une plus grande prise de conscience de la situation, pour un engagement beaucoup plus déterminé et organisé au plan national, régional et international».

Il s'interroge sur la gestion des très nombreuses armes en circulation dans le pays. «Dans la semaine, on vient de neutraliser presqu'une quarantaine des djihadistes et on a récupéré du matériel. D'où viennent ces armes? Il n'y a aucune usine d'armement dans l'Afrique de l'Ouest à ma connaissance. Ces armes-là ne sont pas fabriquées dans nos villages. Qui donne ces armes et qui finance, qui organise ? Voilà autant de questions qui méritent vraiment réflexion, qu'on trouve des réponses appropriées, et surtout qu'une stratégie puisse être mise en œuvre pour arriver à la paix».

La transition politique, affirme le cardinal, tout comme le retour des civils au pouvoir, sont un processus en cours qui engage tant les autorités militaires que les organisations africaines telles que la Cédéao, la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest. L’archevêque de Ouagadougou invite ainsi toutes les parties à trouver un consensus qui tiennent compte du bien-être de la population, car «on peut prendre des sanctions au détriment de la junte militaire, mais au fond qui fait les frais de cette affaire ? C'est la population».

Écouter l'entretien avec le cardinal Philippe Ouédraogo

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26 mai 2022, 07:35