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A propos du rite romain pour les diocèses du Zaïre

Le Pape François a célébré une eucharistie aux couleurs africaines avec la communauté congolaise à Rome dans un rite peu connu du grand public : le rite romain pour les diocèses du Zaïre. L’article en donne quelques caractéristiques importantes.

Camille Mukoso, SJ– Cité du Vatican

Le dimanche 1er décembre 2019, le Pape François a présidé une messe avec la communauté congolaise à Rome dans un rite sinon inédit, du moins peu connu du grand public : le rite romain pour les diocèses du Zaïre. Pour d’aucuns, cette messe, aux couleurs africaines, aurait porté en plein jour la culture d’un peuple avide de sautiller au rythme séducteur du tam-tam. Mais, qu’est-ce que vraiment le rite romain pour les diocèses du Zaïre ? Faut-il le comprendre au seul niveau culturel ? Ne serait-il pas mieux de dépasser l’apparence folklorique pour cerner le sens et l’essence de ce rite ?

Un rite inculturé, en réponse aux besoins de la population

D’entrée de jeu, il est non moins important de souligner que le rite congolais ou zaïrois, comme d’aucuns l’appellent, est une adaptation du rite romain ordinaire. Il est le fruit d’un long processus de dialogue entre l’épiscopat congolais (zaïrois) et Rome, dans le contexte de l’inculturation, visant à ouvrir la liturgie aux valeurs culturelles du peuple zaïrois. Dès son origine, il s’est voulu une réponse aux besoins de la société et aux signes des temps, l’objectif étant de faire progresser la vie chrétienne de jour en jour chez les fidèles. D’ailleurs, le nom "Zaïre" avec lequel ce rite est connu s’inscrit dans cette perspective.

Un rite spécifiquement congolais, sans empêtrer l’unité de l’Eglise

En effet, lorsqu’en avril 1988, la congrégation pour le Culte Divin l’approuve, l’actuelle République démocratique du Congo portait le nom du Zaïre dont la signification s’apparente au mot « Nzadi » signifiant « fleuve », ou tout simplement « rivière qui engloutit toutes les autres rivières », une des désignations génériques du fleuve Congo. A vrai dire, c’est un peuple particulier d’Afrique qui se trouve par-là désigné. Dans ce sens, il ne convient pas de parler de rite africain, l’Afrique étant un continent multiculturel. De même, il n’est pas l’apanage des seuls congolais, car ce rite est une porte ouverte à l’universel, sans empêtrer l’unité de l’Eglise.    

Pour une participation active des fidèles

C’est dans cet esprit que les textes et les rituels tiennent compte de la tradition stylistique orale africaine. L’insistance est mise sur la participation active des fidèles chrétiens à la célébration du Saint Mystère de l’Eucharistique. Tel est par exemple le cas des mouvements rythmiques accompagnés des danses qui ornent la célébration des chants souvent accompagnés de tambours et d’autres instruments traditionnels. Loin d’être un simple trémoussement, la danse qui s’ajoute à la prière, est une expression culturelle à l’image de la palabre africaine. Ce n’est donc plus seulement tout homme qui prend part à la célébration eucharistique, mais tout l’homme.

A l’image de la palabre africaine

Dans la palabre africaine, en effet, celui qui prend la parole dans l’assemblée doit être autorisé par celui qui préside, le Chef. C’est ainsi que les lecteurs s’inclinent devant le prêtre qui représente le Christ et lui demande sa bénédiction. Des prières sont prononcées selon la tradition ancestrale : la litanie des ancêtres au cœur droit, la préface particulière et le rite pénitentiel placé après le credo. Il convient de signaler que cette invocation des ancêtres au cœur droit n’a été rendue possible que grâce l’ouverture que crée le Concile Vatican II, notamment dans la constitution dogmatique sur la liturgie, Sacrosanctum concilium.

L’Église, dans les domaines qui ne touchent pas la foi ou le bien de toute la communauté, ne désire pas, même dans la liturgie, imposer la forme rigide d’un libellé unique : bien au contraire, elle cultive les qualités et les dons des divers peuples et elle les développe ; tout ce qui, dans les mœurs, n’est pas indissolublement lié à des superstitions et à des erreurs, elle l’apprécie avec bienveillance et, si elle peut, elle en assure la parfaite conservation ; qui plus est, elle l’admet parfois dans la liturgie elle-même, pourvu que cela s’harmonise avec les principes d’un véritable et authentique esprit liturgique. Sacrosanctum concilium n° 37.

Au-delà de l'apparence folklorique 

Mais, il faudrait aussi reconnaitre que l’invocation des ancêtres dans le rite zaïrois n’est pas totalement le propre de l’Afrique. Nous retrouvons cette pratique chez les peuples d’Israël avec la vénération des patriarches. Il est vrai qu’il n’y a pas de culte des ancêtres dans la Bible. On le sait très bien, la Torah a centré la religion sur un monothéisme absolu dont la résonance se fait sentir dans le premier commandement du Décalogue, légué par Moïse au peuple élu (Ex 20, 3). Et pourtant, le souvenir des patriarches reste une mémoire active et vivace dans le chef des Juifs. En fait, c’est en référence à ces patriarches que Yahvé se présente à Moïse dans le buisson ardent (EX. 3, 6). On l’aurait compris, situer la question de l’invocation des ancêtres à ce point permet non seulement de cerner l’élément essentiel à ce rite, mais aussi écarter la dimension folklorique, et partant, avoir un soubassement théologique d’un élément important dans cette manière de célébrer l’eucharistie. 

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03 décembre 2019, 16:54