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Afrique du Sud : la xénophobie risque de nous ramener à l'époque de l'apartheid, met en garde Mgr Tlhagale

Dans un message publié le 30 avril 2019 sur le Portail The Southern African Catholic Bishops, l’archevêque de Johannesburg Mgr Buti Tlhagale, déplore les récentes attaques xénophobes contre les migrants et réfugiés des pays africains voisins. Il met en garde contre un danger redoutable qui guette le pays : le retour à l’époque de l’apartheid.

Cédric Mouzou, SJ- Cité du Vatican

Alors que le pays commémore le 25e anniversaire de la chute du régime de l’apartheid, l’Afrique du Sud a renoué avec des attaques xénophobes. Dans le Kwazulu-Natal, des attaques contre des étrangers ont suscité l’indignation de tous. Des allégations selon lesquelles les migrants auraient volé leur emploi à des Sud-Africains, sont à l’origine de ces attaques. Mgr Buti Tlhagale, archevêque de Johannesburg, qui s’est plusieurs fois prononcé sur le sujet, met en garde contre le risque de devenir comme les oppresseurs de l'apartheid.

Un serment brisé

« Lorsque les Sud-Africains lancent des insultes et infligent des violences aux migrants, lorsqu'ils les dépouillent de leurs biens et mettent le feu à leurs entreprises, ils vont à l'encontre du serment solennel de Nelson Mandela, le père vénéré de l'Afrique du Sud postapartheid ». C’est ce qu’on peut lire au début du message de Mgr Buti Tlhagale, publié à l’issue des vagues de violences xénophobes affectant les migrants, réfugiés et travailleurs en provenance des pays africains voisins. Mandela, écrit l’archevêque de Johannesburg, avait promis qu’aucun être humain n’allait plus être opprimé. C’est une promesse qu’il avait faite au prix de beaucoup de sacrifice. Le héros de la lutte anti-apartheid avait légué aux Sud-Africains « les valeurs de dignité humaine, de réconciliation, de paix, de liberté et d'hospitalité ». Des valeurs que les Sud-Africains ont piétinées, 6 ans après la mort de Mandela, en se donnant en spectacle. Du spectacle, les Sud-Africains en ont mis plein les yeux ces derniers jours : attaques injustifiées, actes de vandalisme, etc. Ils ont aussi réussi à semer la terreur au sein de la population étrangère noire.

Attention à ne pas devenir comme les oppresseurs de l'apartheid

Dans son message de carême intitulé Accueil de l’Etranger, Mgr Tlhagale avait souligné la grande difficulté de la plus grande partie des migrants et des réfugiés, devenus des personnes excédentaires. Il avait appelé le peuple à se débarrasser de ces attitudes humiliantes. Dans son message publié récemment, l’archevêque de Johannesburg revient à la charge : « Si les attaques violentes injustifiées contre les migrants et les réfugiés ne cessent pas, les Sud-Africains risquent de devenir comme les oppresseurs de l'apartheid ». Il est vrai, reconnaît l’archevêque de Johannesburg, que les Sud-Africains ont subi des traumatismes en période d’apartheid. Toutefois ces traumatismes ne justifient pas ces actes de xénophobie, d’ailleurs rappelle Mgr Tlhagale, les Sud-Africains avaient été prévenus de « faire attention à ne pas devenir eux-mêmes des méchants ». La désolation de l’archevêque de Johannesburg est grande : « 25 ans après la fin du régime de l’apartheid, certains d'entre nous, Sud-Africains, sommes devenus ceux qu’on qualifiait de monstre du régime de L’apartheid ». Une telle haine contre les autres, souligne Mgr Tlhagale, porte atteinte à la dignité de l'autre et révèle malheureusement la fragilité des Sud-Africains eux-mêmes. Alors que l’absence de culpabilité bat son plein, l’archevêque de Johannesburg craint un durcissement des attitudes qui risque de créer un mauvais précédent.

Les migrants : une riche diversité

Mgr Tlhagale rappelle que les migrants du Lesotho, du Malawi et du Mozambique sont employés dans le secteur minier depuis des décennies et que les migrants apportent des compétences à l’économie. En outre, il y a des migrants qui dirigent des entreprises qui emploient également la population locale. La contribution des migrants à l'économie est donc importante. Cette contribution, précise Mgr Tlhagale, va au-delà de l'aspect économique : « les migrants portent en eux une passion pour le succès, le travail, la diversité culturelle et le sens de l'ouverture sur le monde, par opposition au nationalisme et à l'isolationnisme étroit », rappelle l'archevêque de Johannesburg. Les migrants, écrit-il, « montrent une riche diversité culturelle sous la forme de coutumes, traditions, mode, musique et art. Leur désir est d'avoir une chance de trouver de nouvelles opportunités et de vivre en paix avec leurs voisins ».

Dans ce tableau sinistre, l’archevêque de Johannesburg se tourne vers les jeunes qui ont toujours été à l'avant-garde de la lutte pour la justice. Une jeunesse qui en 1976 avait accéléré l’avènement de la démocratie en Afrique du Sud. « Où sont donc les jeunes charismatiques qui prendraient le parti des migrants opprimés ? » s’interroge Mgr Tlhagale, avant de constater que « leur voix prophétique semble avoir été étouffée à un moment où leur soutien et leur solidarité auraient fait une différence significative ». L’archevêque de Johannesburg trouve que ce silence des jeunes est tout simplement assourdissant.

 

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30 avril 2019, 18:40