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Le nonce apostolique apostolique en Ukraine,  Mgr Visvaldas Kulbokas, lors d'une célébration eucharistique. Le nonce apostolique apostolique en Ukraine, Mgr Visvaldas Kulbokas, lors d'une célébration eucharistique.  

En Ukraine, la lumière de Jésus brille même dans les ténèbres de la guerre

Durant la période de Noël 2023 à Kharkhiv, les «alertes aériennes ont retenti au plus fort des célébrations, alors que nous étions devant Jésus». Tel un témoignage fait par le nonce apostolique dans le pays, au cours d’une interview accordée aux médias du Vatican. «Ces derniers jours, même nos collaborateurs de la nonciature, ou encore toutes les personnes avec lesquelles j'ai eu des contacts - tout le monde vit la guerre dans sa propre peau», déclare Mgr Visvaldas Kulbokas.

Svitlana Dukhovych - Cité du Vatican

Deuxième Noël de guerre pour l'Ukraine, ravagée depuis près de deux ans par un conflit tragique qui ne montre aucun signe d'apaisement. Il y a quelques jours à peine, les forces russes ont lancé leur attaque la plus massive, depuis le 24 février 2022. «Même pendant Noël, la guerre n'a pas cessé, elle continue», a déclaré le nonce apostolique en Ukraine, Mgr Visvaldas Kulbokas, dans une interview accordée aux médias du Vatican.

Le prélat a expliqué que lors de la messe de la Vigile de Noël, dans l’enceinte de la cathédrale catholique romaine de Kiev; ou encore le 1er janvier marquant la Journée mondiale de la paix, «nous avons remarqué avec les évêques que les alertes aériennes retentissaient au moment même des célébrations, lorsque nous étions en présence de Jésus». Noël s'associe donc au risque que comporte la guerre. Mais dans un autre sens, Noël se distingue encore plus, parce que la lumière de Jésus brille dans les ténèbres, brille dans les difficultés. Mgr Visvaldas Kulbokas confie que ces derniers jours, ses collaborateurs de la nonciature, et toutes les personnes avec lesquelles il a eu des contacts: «tout le monde vit la guerre dans sa propre peau». À Kiev par exemple, a-t-il dit, il n'y a pas de quartiers, n’ayant pas vécu d’explosions, n’ayant pas entendu de tremblement des maisons, des fenêtres. Tout le monde pour ainsi dire, a reçu «sa part» de missiles, dans tous les quartiers. Toute la ville a été touchée: les habitants du centre comme ceux des banlieues. Mais, c'est ainsi que Noël devient encore plus clair, car comme le dit Jésus, a-t-il ajouté: «Ne cherchez pas la paix dans le monde, car le monde est incapable de vous la donner. Cherchez-la donc dans mes bras».

Kharkiv est l'une des villes les plus touchées par ces nouvelles attaques. Vous vous êtes rendu à Kharkiv peu avant le début de ces attaques. Quelle a été votre expérience et que retenez-vous de cette ville?

Je suis allée à Kharkiv le jour de Noël et j'y suis allée à la fois pour moi -pour mieux prier- et pour être avec ceux qui souffrent le plus. Car quand j'ai écrit à mes amis, leur disant que j'étais allé à Kharkiv, ils m'ont répondu: «Comme nous aurions aimé y être aussi!». Il y a tant de gens qui aimeraient visiter cette ville, non pas pour voir les destructions, mais pour prier ensemble dans des situations aussi difficiles. Pour moi, le Noël le plus profond, c'est cela: prier avec les fidèles rassemblés dans la cathédrale. Nous avons célébré dans la cathédrale catholique romaine, puis l'évêque catholique grec s'est joint à nous, et nous avons continué avec la communauté catholique grecque dans leur cathédrale. Nous avons pu voir les yeux des fidèles, des prêtres, des gens rassemblés, parce qu'ils savent qu'ils n'ont rien, et que personne ne les protégera, personne du tout, pas d'organisme mondial, il n'y a pas d'armée capable de les protéger. Il ne reste que Dieu. C'est pourquoi célébrer Noël avec eux est l'expérience la plus profonde qui soit. Et c'est exactement ce que je cherchais: prier avec ceux qui vivent Noël avec sérieux. Même dans ces conditions, Noël reste joyeux, car Jésus est notre Rédempteur qui est né. Mais cette joie est associée à un grand sérieux.

Récemment, l'administration de Kharkiv a annoncé que les écoles maternelles seraient déplacées au sous-sol, c'est-à-dire dans le métro de la ville, afin de permettre aux  enfants de rester avec les enseignants et passer du temps ensemble. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle et que pouvez-vous dire des enfants que vous avez vus à Kharkiv?

Les enfants sont toujours présents dans mon esprit lorsque je prie: chaque matin, mais surtout pendant les vacances de Noël, je commence ma prière en unissant mon esprit à celui des enfants, en unissant également tant de prisonniers de guerre, mais aussi de civils. Vous ne savez pas combien j'en connais personnellement, combien de familles qui ont leurs proches quelque part en Russie, nous ne savons pas où, ce ne sont même pas des militaires: ce sont des médecins, ce sont des civils. Ou encore nos deux prêtres catholiques rédemptoristes, le père Ivan Levytskyi et le père Bohdan Heleta ... Je commence ma prière en pensant à eux. À Noël, j'ai également eu l'occasion de rencontrer le maire de Kharkiv et nous avons notamment parlé des enfants. Le maire s'est montré partiellement satisfait, dans la mesure où la ville est déjà en train de finaliser les préparatifs en vue de l'ouverture du premier jardin d'enfants souterrain; et en mars, si tout se passe bien, ce sera une première école également.


Il est donc vraiment déconcertant qu'à notre époque, dans cette civilisation très avancée, nous ayons atteint, pour ainsi dire, «un tel niveau de développement», que nous commencions à créer des écoles souterraines parce qu'autrement, il n'y a aucun moyen pour les jeunes d'aller à l'école à Kharkiv. Par exemple, au niveau statistique à Kharkiv, comme l'a dit le maire, il y avait 715 écoles, et au cours de ces deux années de bombardements, plus de 300 écoles ont été gravement endommagées, soit près de la moitié des écoles. En plus des dégâts causés par la destruction, les conditions pour aller à l'école ne sont évidemment pas réunies. Depuis près de deux ans, les enfants ne peuvent donc étudier, qu'en ligne. C’est donc un grand objectif que de créer des écoles souterraines. C'est impressionnant, mais sans cette solution très difficile, on ne peut pas avancer.

Votre Excellence, vous avez dit combien il était important pour vous personnellement, et aussi pour d'autres personnes, de soutenir le peuple dans des conditions très difficiles comme celles de Kharkiv: c'est une bénédiction, qui a été expérimentée par les personnes qui sont venues de l'étranger pour soutenir le peuple ukrainie. Pour vous personnellement, dans quelle mesure était-il important de ressentir ce soutien à travers la présence des personnes qui sont venues vous rendre visite?

Oui, comme vous l'avez mentionné à juste titre, la présence, l'aide est importante à trois égards: spirituel, c'est-à-dire la prière, la prière du monde entier; deuxièmement, l'aide humanitaire, parce qu'en réalité, de nombreuses régions comme Kharkiv vivent presque exclusivement de l'aide humanitaire; et puis aussi l'aspect psychologique: ne pas être seul. C'est important de ne pas être seul, mais aussi de voir l'autre qui est venu, et qui peut comprendre la difficulté, parce que sinon il y a un grand risque que la guerre ne fasse plus l'actualité, parce qu'elle est toujours loin de tant de gens. Alors cette proximité physique, personnelle, nous console au moins. Un exemple: à Kharkiv, j'ai également rencontré brièvement sœur Daria Panast, une religieuse gréco-catholique de la Congrégation de Saint-Joseph, qui, il y a quelques mois, a été blessée dans un attentat à la bombe alors qu'elle apportait de l'aide humanitaire, ainsi que trois autres personnes. C'est aussi une mission des religieuses, des moniales d'aujourd'hui: apporter de l'aide là où personne ne peut l'obtenir. Quand j'ai demandé à sœur Daria: «Mais après avoir été blessée, est-ce que quelqu'un a pu vous aider?». Elle a répondu: «Non, parce qu'il n'y avait personne dans les environs». Leur voiture transportant l'aide humanitaire, elle était seule sur place.

Seuls les militaires ukrainiens l'ont vus et ont compris que quelque chose s'était passé, ils l'ont rejoints pour la sauver. Cette proximité physique est donc importante à tous points de vue: aide personnelle, aide humanitaire ou aide psychologique et spirituelle. Et puis, il était impressionnant de voir la même sœur Daria qui, guérie, retournait à la catéchèse avec les enfants, aux services de Caritas et de la paroisse. Ainsi, on continue. On est bombardé, on est blessé, puis on se rétablit et on continue. Je dirais donc que même pour ceux qui viennent, ceux qui viennent de l'étranger, cela est aussi important, de voir quel type de vocation chrétienne nous vivons aujourd'hui.

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04 janvier 2024, 14:27