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Messe pour les trente ans de l'indépendance des Républiques tchèque et slovaque, en la basilique Sainte-Marie Majeure de Rome, le 17 avril 2023. Messe pour les trente ans de l'indépendance des Républiques tchèque et slovaque, en la basilique Sainte-Marie Majeure de Rome, le 17 avril 2023.   (VATICAN MEDIA Divisione Foto)

Les racines slaves de l’Europe au cœur d’une messe à Sainte-Marie Majeure

Le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Saint-Siège, a célébré une messe jubilaire lundi après-midi 17 avril en la basilique romaine de Sainte-Marie Majeure à l’occasion du trentième anniversaire de l’indépendance des républiques tchèque et slovaque. Invoquant la bénédiction de Dieu sur ces deux nations slaves, le diplomate italien est revenu sur les leçons de paix qu'enseignent les expériences tchèque et slovaque en cette fin de XXe siècle.

Delphine Allaire – Cité du Vatican

Née des ruines de l'empire austro-hongrois, la Tchécoslovaquie aura duré 68 ans. Elle n'est plus depuis 30 ans. En présence des ambassadeurs tchèque et slovaque au Vatican, Vaclav Kolaja et Marek Lisansky, et d'autres diplomates accrédités près le Saint-Siège, une messe jubilaire a commémoré le trentième anniversaire de la République tchèque et de la Slovaquie en tant qu'États souverains, reconnus par la communauté internationale, y compris le Saint-Siège. Mais elle a aussi été l'occasion de commémorer près de douze siècles de liens spirituels entre cette région d'Europe centrale avec le siège de Pierre depuis saints Cyrille et Méthode, de même que la visite historique de Jean-Paul II dans ce qui était alors la Tchécoslovaquie (21-22 avril 1990) après la chute du rideau de fer.


C'est précisément le 17 avril 1993, que les relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la République slovaque ont repris, dans la continuité et le perfectionnement des relations antérieures qui existaient depuis 1919 sous la forme d'une «mission bilatérale», a précisé le cardinal Parolin. Il en a été de même pour le rétablissement des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la République tchèque, qui avait eu lieu trois ans plus tôt, le 19 avril 1990.

La commémoration de ces événements marquants rappelle «l'importance de la solidarité et du respect mutuel dans la construction d'un monde meilleur», dans lequel règne «une paix durable entre les hommes et les nations, une paix qui est le fruit de la justice et l'effet de la charité», a ajouté le secrétaire d'État du Saint-Siège. 

L'évangélisation de la Bohême et de la Moravie

Méditant sur la figure de Nicodème proposée par l’Évangile du jour, le cardinal Parolin a invité à percevoir le pouvoir transformateur de la foi comme en a témoigné l’évangélisation de la Grande Moravie au IXe siècle, et a retracé les origines spirituelles et culturelles de ce bassin centre-européen. «L'histoire de ces deux nations est profondément enracinée dans l'œuvre d'évangélisation des deux saints frères de Thessalonique, Cyrille et Méthode, proclamés co-patrons de l'Europe par le Jean-Paul II en 1980», a-t-il rappelé, narrant les coulisses de l’arrivée sur place des deux saints.

Lorsque le prince Rastislav demanda à l'empereur Michel III d'envoyer quelqu'un capable d'expliquer la vraie foi dans la langue locale, la providence divine désigna non pas un, mais deux enseignants, en raison de leurs dons intellectuels, culturels et religieux exceptionnels. Ceux-ci, ayant accepté volontiers, partirent pour leur mission probablement en l'an 863 et y consacrèrent le reste de leur vie, passée au milieu des voyages, des difficultés, des souffrances, de l'hostilité et de la persécution, mais soutenue par une foi profonde et une espérance inébranlable en Dieu.

Le vieux slave autorisé dans la liturgie dès 869

En bref, ils ont apporté l'Évangile aux peuples slaves et ont utilisé leur langue maternelle dans la liturgie, a souligné le cardinal Parolin, qualifiant ce moment d’important dans l'histoire du christianisme, car il introduisit l'utilisation des langues vernaculaires dans les célébrations liturgiques. En effet, dès 869, six ans seulement après le début de la mission des saints frères, le Pape Hadrien II, par la bulle Gloria in excelsis Deo, approuva l'utilisation du vieux slave dans la liturgie et ordonna également que les livres liturgiques slaves soient solennellement placés sur l'autel de l'église Santa Maria ad Praesepe, aujourd'hui connue sous le nom de Sainte-Marie Majeure. Par la même bulle, le Pape Hadrien II nomma Méthode à la tête de l'archidiocèse de Moravie-Pannonie, créé à l'automne de la même année, et légat papal ad gentes pour les peuples slaves.

Plus tard, avec la bulle Industriae tuae de 880, le Pape Jean VIII a non seulement confirmé les décisions de son prédécesseur, mais a également érigé le premier siège épiscopal à Nitra et a placé Svätopluk, le successeur de Rastislav, et son royaume sous la protection de la papauté. Svätopluk fut ainsi élevé au rang des autres monarques chrétiens d'Europe de l'époque. Aujourd'hui, ces lettres papales sont considérées comme les plus anciens documents reconnaissant la souveraineté des souverains de cette région, qui comprenait l'actuelle Slovaquie et la République tchèque.

Une leçon de résolution des différends

Le cardinal Parolin a mis en relief l’histoire tourmentée de ces peuples soumis au fil des siècles à la domination et à l'oppression étrangères. «Cependant, l'esprit d'indépendance et d'autodétermination n'a jamais faibli et, grâce à cet héritage durable d'évangélisation et d'identité culturelle, a abouti, après la chute du régime communiste, à la séparation pacifique de la République fédérale tchèque et de la République fédérale slovaque en 1993», a-t-il noté, citant en exemple cette résolution pacifique des différends «par le dialogue et le respect mutuel».

Jean-Paul II l’affirmait déjà en mai 1995, lors de sa visite en République tchèque: «Les deux nations, autrefois unies, se sont séparées pacifiquement, donnant au monde une leçon éloquente sur la manière dont les demandes fondamentales d'autodétermination et d'indépendance peuvent être résolues dans le respect mutuel, la paix et la véritable fraternité». Des paroles similaires adressées à la nation slovaque par le même Pape lors de son voyage apostolique en juin de la même année.

L'expérience des Tchèques et des Slovaques pour la paix en Ukraine

«À la lumière des conflits actuels dans le monde, en particulier la guerre en Ukraine déclenchée par la Russie, l'expérience des peuples tchèque et slovaque il y a 30 ans continue d'être une source d'inspiration», a ensuite déclaré le cardinal Parolin, citant les paroles du Pape François dans son message Urbi et Orbi de Pâques: «[Seigneur,] aide le peuple ukrainien bien-aimé sur le chemin de la paix, et répands la lumière de Pâques sur le peuple russe».

«La paix du Christ ne consiste pas en l'absence de conflit, mais en la présence de la justice et de la concorde, a poursuivi le secrétaire d’État. Car l’harmonie selon François «n’est pas une méthode pour que l’Église aille mieux», «une danse du menuet» ou une simple «question de stratégie ou de courtoisie», mais bien «une exigence interne de la vie de l'Esprit» (Messe chrismale du Jeudi Saint 2023).

«Que cette nécessité, partagée par les deux nations, fondée sur l'héritage spirituel séculaire des saints frères Cyrille et Méthode, préservé, nourri et entretenu au fil des siècles malgré les persécutions, les dominations et les suppressions, soit une source d'inspiration non seulement pour cultiver de bonnes relations entre la République tchèque et la Slovaquie, mais aussi une force motrice pour assurer la prospérité matérielle et surtout spirituelle de leurs habitants, dans la jouissance de leurs droits, en particulier dans le domaine de la liberté religieuse, et dans l'accomplissement de leurs devoirs», a conclu le cardinal Pietro Parolin, priant pour «que la lumière de la foi continue à briller dans ces nations, alors que les ténèbres menacent de recouvrir à nouveau l'Europe».


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17 avril 2023, 17:50