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Benoît XVI à Valence en juillet 2006, à l'occasion de la V ème rencontre mondiale des familles. Benoît XVI à Valence en juillet 2006, à l'occasion de la V ème rencontre mondiale des familles.  

Mgr Xuereb: «Benoît XVI, un exemple de sainteté et de simplicité pour tous»

L'actuel nonce apostolique au Maroc se souvient du pontife dont il a été le secrétaire spécial pendant six ans, à l'occasion du premier anniversaire de sa mort: «Je voudrais que l'on se souvienne de lui tel qu'il était, et non pas de l'image qu'en donnent les médias».

Gudrun Sailer - Cité du Vatican

Mgr Alfred Xuereb, actuel nonce apostolique au Maroc a été pendant six ans le secrétaire particulier de Benoît XVI, l'accompagnant jusqu'à sa renonciation en 2013, puis de François. À l'occasion du premier anniversaire de la mort du pape Ratzinger, le 31 décembre 2022, il se souvient de sa foi profonde, comme il l'a également écrit dans le livre qu'il a publié en janvier de cette année (Mes journées avec Benoît XVI) aux éditions San Paolo.

Mgr Alfred Xuereb, quelle image avez-vous de ce pape que vous avez suivi de si près ?

La première chose qui me vient à l'esprit, c'est un bon père pour moi, toujours attentif et aussi affable. Il ne nous grondait jamais lorsque nous faisions quelque chose de mal. Je me souviens qu'une fois, j'ai fait une erreur et je me suis excusé auprès de lui à la fin de la journée, et le soir, en lui disant au revoir avant d'aller dormir, je me suis à nouveau excusé. Il m'a dit : «Non, Fr Alfred, tu t'es déjà excusé et j'ai déjà accepté tes excuses, il n'est donc pas nécessaire de t'excuser à nouveau». Cela m'a fait comprendre que même lorsque quelqu'un fait une erreur ou que quelque chose ne va pas, je n'ai pas besoin de le mortifier, il lui suffit de s'excuser une fois et le tour est joué. 

Qu'avez-vous appris du pape Benoît ?

Beaucoup de choses, surtout la manière affable et cordiale dont il faut se comporter avec les autres, même avec ceux qui sont, disons, à notre service. Il ne faut jamais se sentir maître des autres. Évidemment, j'ai aussi appris de sa foi profonde à sentir Dieu proche, parce qu'il vivait en contact permanent avec le Seigneur et que, même dans les moments difficiles, il disait toujours : «Le Seigneur nous aidera, je m'en remets à Lui». Cette façon de s'abandonner au Seigneur dans la foi est très importante. Elle m'aide beaucoup à mieux exercer mon ministère. 

La renonciation du pape Benoît XVI a été une étape difficilement accueillie par de nombreux fidèles. Comment avez-vous réagi ?

J'ai été évidemment déconcerté, car je n'avais jamais imaginé une telle décision, mais je l'ai évidemment acceptée. Quinze jours avant l'annonce officielle au monde entier de sa décision de renoncer au pontificat, il m'avait convoqué dans son bureau et j'ai d'abord pensé à lui dire : «Saint-Père, pourquoi ne réfléchissez-vous pas un peu plus?». Puis je me suis dit : «Mais je suis bête, qui sait depuis combien de temps le pape vit ce moment ?». Et à cet instant, je me suis souvenu que nous étions dans la sacristie, prêts à aller à la messe. Normalement, lorsque le carillon de l'horloge de la cour de saint Damase sonnait sept heures, il faisait le signe de croix et nous sortions pour célébrer la messe. Mais il y avait des jours où, bien que l'horloge sonnât sept heures, il restait absorbé dans la prière. Je me disais alors: «Il prie sans doute pour quelque chose de très important, car il est normalement ponctuel». Puis j'ai pensé qu'il priait peut-être pour cette décision, et cela m'a consolé. Il était également très serein le jour où il a annoncé sa démission, le 11 février, pendant le déjeuner. Bien sûr, j'ai pleuré. Là, dans la salle du Consistoire, j'étais très très triste. Puis, au cours du déjeuner, j'ai dit: «Saint-Père, mais vous étiez très serein». Et il m'a répondu résolument : «Oui».Il est resté serein tout le temps, même après, quand nous sommes allés à Castel Gandolfo pour attendre l'élection du nouveau pape. Il est toujours resté très, très serein. 

Benoît XVI lui-même a déclaré un jour à Peter Seewald qu'il avait également démissionné pour cause d'insomnie...

Oui, c'est ce qu'il a dit. Moi qui ai vécu avec lui, je ne l'ai jamais entendu prononcer ce mot. Mais nous savions qu'il avait du mal à dormir. Et les gardes suisses, qui étaient sous le Palais apostolique, m'ont dit qu'ils voyaient souvent la lumière dans sa chambre pendant la nuit. Je me souviens qu'une fois, il avait mal à la tête et je lui ai demandé le lendemain : «Saint-Père, votre mal de tête a-t-il disparu ?». Il m'a répondu: «Il est  toujours là». Je pense que c'est un problème de famille. Même son frère Georg, quand il venait chez nous, je lui demandais le matin: «Maître, avez-vous bien dormi ?». Et il répondait: «En partie». Et je pense que la prise de conscience que le moment était venu d'abandonner a été liée au voyage qu'il a fait au Mexique et pendant les nombreuses heures de vol, je ne sais plus combien, peut-être douze, il n'a pas pu dormir une seule minute. À notre arrivée, il y a eu bien sûr les cérémonies de bienvenue. Pendant le trajet en papamobile jusqu'à l'endroit où nous devions loger, il s'est levé pour bénir les nombreuses personnes qui s'étaient massées à droite et à gauche. Ensuite, il a voulu dîner brièvement, mais en voyant les évêques mexicains, il est resté avec eux et même la nuit suivante, il n'a pas dormi. Et ce fait de ne pas dormir une nuit, deux nuits, trois nuits... rend très difficiles les relations avec les autres et les activités. 

Pendant dix ans, nous avons vécu une nouveauté pour l'Église universelle: la "coexistence" d'un pape émérite et d'un pape régnant. Comment cela s'est-il passé selon vous ?

C'était une très bonne et très belle relation. François a toujours eu de la vénération pour le pape Benoît et l'a dit publiquement. En fait, le pape Benoît avait l'intention, je pense, de disparaître pratiquement dans le monastère et de vivre caché. Au lieu de cela, c'est François qui a insisté à plusieurs reprises pour qu'il le rejoigne à certains moments, lors de la bénédiction d'une statue de saint Michel dans les jardins, lors de divers consistoires... C'est lui qui lui a dit : «Écoute, nous apprécions même ta simple présence, elle peut être un enseignement pour nous». Évidemment, le pape Benoît a compris qu'il n'était plus pape et que cela suffisait. Il n'a donc absolument pas interféré dans les décisions ni même commenté le gouvernement du nouveau pape. 

Comment espérez-vous que les gens se souviennent du pape Benoît ?

J'espère que l'on se souviendra de lui comme il l'a été. Mon livre est presque destiné à corriger l'image publique que les médias et le monde en général avaient du pape Benoît. Du point de vue privilégié que j'ai eu en vivant avec lui, je veux dire : «Voici l'homme que j'ai connu et ce n'est pas exactement ce que l'on a montré».J'aimerais donc que les gens se souviennent de lui tel qu'il était, et qu'ils ne se contentent pas de se souvenir de lui, mais qu'ils l'imitent, parce qu'en plus de ses enseignements, il nous a laissé un bel exemple, une vie exemplaire de sainteté et de simplicité. 

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31 décembre 2023, 12:20