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François rencontre les universitaires et le monde de la culture François rencontre les universitaires et le monde de la culture  (Vatican Media)

Devant le monde universitaire hongrois, le Pape invite à développer l'humanisme

Pour son dernier discours public en Hongrie, François a rencontré les universitaires et le monde de la culture à l’université catholique Péter Pázmány de Budapest. Il a mis en garde contre les limites d'un monde technocratique et vanté l’université comme un lieu du partage du savoir.

Olivier Bonnel - Cité du Vatican

C'est la faculté d’informatique et de sciences bioniques de l’Université catholique Péter Pázmány qui a été choisie comme cadre du dernier événement public de ce voyage apostolique de François en Hongrie. Une faculté de pointe en Europe, qui vient de fêter ses 25 ans, où l'on étudie en particulier les neurosciences. Une université qui porte le nom du cardinal jésuite Pázmány (1570-1637), ancien primat de Hongrie. 

«La culture, en un certain sens, est comme un grand fleuve», a d'emblée souligné le Pape en prenant l'image du Danube, «elle parcourt les différents lieux de la vie et de l’histoire. En les reliant, elle permet de naviguer dans le monde et d’embrasser des pays et des terres lointaines, elle désaltère l’esprit, irrigue l’âme, fait croître la société». Citant le grand théologien catholique Romano Guardini (1885-1968), sur les deux formes de connaissance, l'une consistant à se plonger dans l'objet et son contexte, l'autre à le décomposer à l'infini pour le posséder, le Pape a mis en avant le contraste entre «une connaissance humble et relationnelle», et «une autre manière de connaître qui ne s’immerge plus dans l’objet, mais qui le saisit».

Les dangers du technicisme

Cette seconde manière de connaître conduit vers une unique finalité: la machine, a expliqué François. À l'image de Guardini, il ne s'agit pas de diaboliser la technique, qui permet de mieux vivre, mais de mettre en garde «contre le risque qu’elle devienne régulatrice, sinon dominatrice, de la vie». Le Pape a ainsi développé sa réflexion en posant cette question: «la vie peut-elle rester vivante?» et d'inviter à penser les limites. 

«Pensons au manque de limites, à la logique du “on peut le faire donc c’est licite”. Pensons aussi à la volonté de mettre au centre de tout, non pas la personne et ses relations, mais l’individu centré sur ses besoins, avide de s’enrichir et de s’emparer de la réalité»

François a déploré les individus très "social" et peux "sociaux", qui ont recourt aux consolations de la technique pour remplir le vide qu’ils ressentent et succombent ainsi à un capitalisme sauvage. «En disant cela, je ne veux pas engendrer du pessimisme–ce serait contraire à la foi que j’ai la joie de professer, a poursuivi le Souverain pontife, mais réfléchir sur cette “arrogance d’être et d’avoir” que déjà, à l’aube de la culture européenne, Homère voyait comme menaçante et que le paradigme technocratique accentue, avec une certaine utilisation des algorithmes qui peut représenter un risque supplémentaire de déstabilisation de l’humain».

«La vie commune se raréfie»

Poursuivant sa réflexion, le Pape a mis en garde contre «un nouvel “humanitarisme” qui annule les différences, en réduisant à zéro la vie des peuples et en abolissant les religions». «L’homme s’aplatit de plus en plus au contact des machines, alors que la vie commune se raréfie et devient triste», a-t-il souligné, en citant l'écrivain catholique britannique Robert Hugh Benson (1871-1914). C'est dans ce sombre tableau que le rôle et l'importance de l’université ressortent davantage. 

«Comme son nom l’indique, l'université est le lieu où la pensée naît, grandit et mûrit, ouverte et symphonique. Elle est le “temple” où la connaissance est appelée à se libérer des limites étroites de l’avoir et de la possession pour devenir culture, c’est-à-dire “cultivation” de l’homme et de ses relations fondatrices: avec le transcendant, avec la société, avec l’histoire, avec la création», a rappelé François. 

Le Pape a rendu hommage aux grands intellectuels qui ont la qualité d’être humbles. «D’ailleurs, le mystère de la vie se révèle à ceux qui savent entrer dans les petites choses. Ainsi comprise, la culture représente vraiment la sauvegarde de l’humain. Elle immerge dans la contemplation et façonne des personnes qui ne sont pas à la merci des modes du moment, mais bien enracinées dans la réalité des choses». 

Porter une saine inquiétude 

Celui qui aime la culture a encore souligné le Pape «ne se sent jamais arrivé, mais porte en lui une saine inquiétude, (...) il sait sortir de ses certitudes pour s’aventurer avec humilité dans le mystère de la vie». François a aussi salué l’université Péter Pázmány pour ses efforts à partager le savoir, notamment avec des étudiants d'autres régions du monde comme la Syrie. «C’est en s’ouvrant aux autres qu’on se connaît le mieux», a-t-il relevé.

La culture enfin, selon les racines de la pensée classique, «nous accompagne dans la connaissance de nous-mêmes» a expliqué le Saint-Père, proposant deux phrases-guides en guise de conclusion et leur signification: «connais-toi, toi-même» à savoir reconnaître ses propres limites, et la parole du Christ «la vérité vous rendra libres» qui permet de découvrir la véritable liberté. Une liberté qui en Hongrie résonne de façon particulière face aux «-ismes» de l'histoire, qui ont une fausse idée de la liberté: le communisme dans le passé, et le consumérisme aujourd'hui. 

 «La clé pour accéder à cette vérité c’est une connaissance jamais détachée de l’amour relationnel, humble et ouvert, concret et communautaire, courageux et constructif, a conclu le Pape, c’est ce que les universités sont appelées à cultiver, et la foi à nourrir».

Vidéo: rencontre avec les universitaires et le monde de la culture

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30 avril 2023, 16:34