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La basilique Notre-Dame de la Garde de Marseille aux couleurs vaticanes à l'occasion de la venue du Pape, les 22 et 23 septembre 2023. La basilique Notre-Dame de la Garde de Marseille aux couleurs vaticanes à l'occasion de la venue du Pape, les 22 et 23 septembre 2023.   (AFP or licensors)

Après les MED24 sur les migrations, une rencontre pour les jeunes en Albanie

La conférence ecclésiale de la Méditerranée n’est toujours qu’un projet. Mais les récentes Rencontres méditerranéennes de Marseille sur les migrations, suivies d’une prochaine session des jeunes à Tirana en Albanie à l’automne, lui donne chaque jour un peu plus de matérialité. Retour sur le dernier jour des MED24 de la cité phocéenne, où les verbes «accueillir», «promouvoir», «intégrer», «protéger», ont résonné à travers des débats sur le pacte migratoire européen et les mineurs isolés.

Delphine Allaire – Marseille, France

Les Rencontres méditerranéennes dédiées aux migrations se sont achevées à Marseille lundi 8 avril. Après deux jours et demi de débats et travaux en présence d’une quarantaine d’acteurs civils et ecclésiaux de la migration, l’importance d’un travail en réseau à l’échelle méditerranéenne s’est imposée. L’objectif reste de mieux accueillir et accompagner les personnes migrantes «dans la complexité de leur identité entre deux terres», et de contribuer «à leur unité intérieure sans effacer leur parcours», considère le père Alexis Leproux, vicaire épiscopal en charge des relations méditerranéennes au diocèse de Marseille. Résumant la sève des travaux, l’urgence est selon lui d’être présent dans les lieux d’attente et de solitude des migrants, afin d’éviter que ceux-ci ne deviennent vraiment traumatiques. «Être des anges Gabriel sur la route de ces personnes», remarque le père Leproux, tout en prenant en compte la migration aussi au sens large et non seulement par le biais des personnes en grande difficulté.

La démarche s’inscrit dans un travail avec Rome pour élaborer progressivement «une conférence ecclésiale de la Méditerranée» telle que mentionnée par le Pape le 23 septembre dernier, dans la même cité phocéenne. Encore à l’état de projet, celle-ci pourrait s’appuyer sur le modèle amazonien du Repam, le réseau ecclésial panamazonien, qui rassemble neuf pays couvrant le poumon vert de la planète.

«Nous devons trouver une méthode propre au contexte méditerranéen, recouvrant les thématiques des mobilités, des jeunes, des conflits, de l’œcuménisme, car toutes se recoupent», poursuit le père Leproux, assurant que les MED24 font partie «des quelques briques» pouvant construire cet édifice.

  

Les jeunes de la Mare nostrum pourront en témoigner lors des prochaines Rencontres qui leur seront spécialement consacrées. Un an après la venue du Souverain pontife et la tenue des Rencontres méditerranéennes à Marseille, rendez-vous est pris du 15 au 22 septembre 2024 à Tirana, la capitale albanaise, ainsi que dans tout le pays balkanique. Une dizaine d’évêques seront présents aux côtés de dizaines de jeunes de 25 à 35 ans. Deux jeunes, une Albanaise et une Marseillaise, en préparent déjà les contours.  

Le pacte migratoire européen, polarisation politique du droit

Les MED24 sur les migrations se sont, elles, conclues lors d’une matinée explorant les aspects techniques et juridiques des migrations. Le père David Neuhaus SJ, précédemment coordinateur de la pastorale auprès des migrants et des demandeurs d'asile en Israël, a livré son regard extra-européen sur une brûlante actualité du Vieux continent: le Pacte européen migratoire adopté ce mercredi par les eurodéputés.

Le jésuite israélien né en Afrique du Sud qui s’est abondamment appuyé sur les travaux de l’International Rescue Committee, a d’emblée élargi la focale. Sur 114 millions de déplacés dans le monde, 76% d’entre eux sont hébergés dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. «Une petite fraction d’entre eux cherche une protection en Europe», a-t-il relevé, regrettant une polarisation politique accrue du droit européen et international. L’intellectuel jésuite de Terre Sainte a questionné l’anthropologie sous-jacente au document. «Il ne fait jamais référence aux migrants comme sujets, mais comme objets déplacés d’un endroit à un autre. Car relocaliser signifie déplacer les migrants du Sud vulnérable vers le Nord».

Écouter la polyphonie du réel pour sortir de l’idéologie

Le responsable des jésuites de Terre Sainte note le glissement sémantique des mots employés: la solidarité entre pays européens pour se renvoyer les migrants venus d’autres continents, et non la solidarité avec les personnes migrantes, piétinant ainsi la dignité de la personne humaine. David Neuhaus a suggéré une voie médiane, celle exprimée selon lui par le rapport britannique de 94 pages émis par la commission sur l’intégration des réfugiés émanant du Woolf Institute de Cambridge.

«Il est possible de trouver un terrain d’entente, et un consensus peut être trouvé sans antagonisme. Un nouvel accord est possible, qui soit juste, responsable, et qui profite à tout le monde. Il faut une distinction essentielle entre la gestion des migrants et les politiques d’intégration des migrants», a-t-il assuré, mettant en garde contre l’idéologisation des débats, dans un sens comme dans l’autre. Une clé pour l’éviter: rester centré sur l’humanité, le visage et l’histoire, écouter toutes les voix afin que personne ne devienne l’objet de l’un ou de l’autre. «L’écoute de toutes les voix est l’unique mode de sortir d’un discours fermé. Le Pape ne dit jamais Israël sans dire Palestine». De même, assure-t-il, le désir de sécurité de la partie européenne doit être pris en compte, mais il faut conjuguer sans jamais oublier les perspectives historiques. «Pour le 7 octobre, comme pour la migration vers l’Europe». Et le père Neuhaus d’évoquer là «la responsabilité occidentale» en matière d’exploitation et de pillage des ressources des pays d’origine de ces flux migratoires.

Accueil des mineurs isolés et droits de l’enfance

Une autre thématique non moins d’actualité a occupé les Rencontres méditerranéennes sur la migration. La situation des mineurs non accompagnés (MNA) en France a été évoquée par Christian de Benazé, responsable de l’association marseillaise Raphaël qui vient en aide aux mineurs isolés. Ils étaient 15 000 en France en 2022, selon le ministère de la Justice. Leur parcours, après leur arrivée en France, a ainsi été détaillé: de l’évaluation de minorité à la formation professionnelle sur les métiers en tension ou la difficile scolarisation, avec de nombreuses lacunes et failles administratives.

Encore une fois, le cadre démographique global a été rappelé: l’Europe accueille 1,5 million de réfugiés pour une population de 400 millions, les États-Unis, 2,5 millions pour plus de 300 millions d’habitants.

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11 avril 2024, 12:00