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Affiche appelant à voter en Inde, à Imphal, État du Manipur Affiche appelant à voter en Inde, à Imphal, État du Manipur  (REUTERS) Les dossiers de Radio Vatican

Début du marathon électoral en Inde

Près d’un milliard d’Indiens se rendent aux urnes depuis ce vendredi 19 avril pour les élections législatives. Le BJP, le parti nationaliste hindou, au pouvoir depuis dix ans, espère obtenir cette année la majorité absolue. Le Premier ministre Narendra Modi pourrait ainsi appliquer sa réforme du code civil unifié et approfondir la politique menée au cours de ces dernières années.

Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican

44 jours de vote pour désigner les députés fédéraux: les élections législatives en Inde, qui ont commencé ce 19 avril ne se termineront que le 4 juin prochain. 968 millions d’Indiens sont appelés aux urnes pour élire les 543 députés de la chambre basse du Parlement.

Grand favori des sondages, le BJP, le parti nationaliste hindou, principal parti au pouvoir depuis dix ans dont le chef de file, le Premier ministre sortant Narendra Modi, brigue une troisième victoire électorale, avec cette année, l’objectif affiché de remporter la majorité absolue des sièges, ce qui lui éviterait de devoir composer avec des partenaires de coalition.

Appliquer le programme à la lettre

Pour le BJP, un nouveau succès lui permettrait d’appliquer le troisième point central de son programme de gouvernement. Après avoir construit et inauguré le temple d’Ayodhya, sur le site d’une mosquée, symbole de la renaissance hindoue, et abrogé le statut d’autonomie du Cachemire, le parti veut appliquer un code civil unifié à l’ensemble du pays. Un dossier qui remonte à l’indépendance même, rappelle Virmani Arundhati, historienne de l’Inde coloniale et contemporaine à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Cette question a depuis été laissée en suspens et les positions des partis évoluent au fil du temps. Mais pour le BJP, l’heure est arrivée: tous les citoyens indiens, quelle que soit leur religion, doivent être soumis au même code.

 

Cette réforme, contestée par les partis d’opposition et par les représentants des principales religions, à commencer par les musulmans, répond à la crainte du BJP d’une «balkanisation de l’Inde», État pluriel par essence, traversé par plusieurs mouvements séparatistes, source de faiblesse alors même que les relations avec les voisins immédiats, à commencer par le Pakistan, la Chine ou la Birmanie, sont tendues pour ne pas dire hostiles. Dans ce contexte, le BJP veut renforcer le pays, l’unifier pour qu’il soit capable de se défendre contre toute agression étrangère.

Pour cela, «il y a différentes approches», relève Virmani Arundhati. La première est «l’unité dans la diversité», mais elle est «plus difficile et complexe à gérer dans un système démocratique». La seconde, «plus simple», et qui semble être suivie, estime l’historienne, c’est «l’unité par l’uniformité» qui passe par «un État extrêmement fort et plus centralisateur que fédéral». Mais cela risque de provoquer des problèmes avec plusieurs régions du pays qui ne partagent pas nécessairement la même culture, au sens large du terme, et notamment la culture politique.

La figure du héros

Personnalité incontournable de la politique indienne depuis plus de dix ans, le Premier ministre Narendra Modi inquiète l’opposition, au point d’éclipser son parti. «Tout est concentré sur la figure de Modi», constate Virmani Arundhati, ce qu’elle explique par «la faiblesse des Indiens envers les figures héroïques», comme le prouvent la fascination envers la plupart des principaux Premiers ministres du pays.

«On le critique parce qu’il est trop autoritaire, parce qu’il concentre trop de pouvoir mais il ne fait que répondre à cette culture politique», estime l’enseignante à l’EHESS. «Et le fait d’en parler, renforce cet aspect», note-t-elle.

Les difficultés de l’opposition

Face au BJP, l’opposition est en ordre dispersé. Les différents partis qui la composent, comme le Congrès, «sont affaiblis par leurs difficultés internes», remarque Virmani Arundhati. D’autres le sont à cause d’affaires de corruption ou de l’emprisonnement de leurs chefs. Ces dossiers judiciaires alimentent d’ailleurs les critiques envers le BJP, tenu pour responsable de ce qui est perçu comme un acharnement judiciaire contre les membres de l’opposition. «On accuse le système judiciaire de ne montrer trop de zèle et trop d’intransigeance qu’envers l’opposition», explique l’historienne.

Malgré ses déboires judiciaires, l’opposition reste forte, surtout dans certains États du Sud, reconnait-elle. L’enjeu de ces élections sera finalement, estime l’universitaire, est de savoir «si on peut continuer dans la voie d’une forte démocratie plurielle ou non».  

Entretien avec Virmani Arundhati, historienne de l’Inde coloniale et contemporaine à l’EHESS.

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19 avril 2024, 13:07