Recherche

Image d'illustration. Image d'illustration.   (ISABEL INFANTES)

Un Québécois sur dix en situation d’insécurité alimentaire

Les évêques de la province canadienne du Québec s’inquiètent de l’augmentation du nombre de personnes contraintes d’avoir recours aux banques alimentaires pour se nourrir, et nourrir leur famille. Ils demandent aux autorités de garantir le droit à l’alimentation pour tous, un droit reconnu par des traités internationaux.

Jean-Charles Putzolu – Cité du Vatican

Plus de 850 000 personnes ont eu recours chaque mois à des banques alimentaires pour se nourrir en 2023, soit 10% de la population du Québec. Le phénomène, peut-on lire dans un message des 24 évêques de la province canadienne, surprend au regard de la quinzième place occupée par le Canada dans le classement des pays les plus riches du monde, selon le Fonds monétaire international. Ce phénomène est en constante augmentation, car les chiffres de 2023, publiés dans le document épiscopal, sont de 30% supérieurs à 2022, et de 73% supérieurs à 2019.

Les personnes touchées ne sont pas seulement des sans-abris ou des personnes sans emploi; le nombre de personnes ayant un emploi nécessitant une aide alimentaire a plus que doublé en 4 ans.

Mgr Marc Pelchat, président du conseil Église et Société de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec, relie ces difficultés alimentaires à la cherté de la vie, la hausse vertigineuses du coût du logement, et l’inflation en général. L’augmentation du prix des carburants a eu des conséquences directes sur les denrées alimentaires, pour beaucoup importées des États-Unis, et les revenus n’ont pas suivi.

L’éclatement progressif du modèle familial a également des conséquences, explique Mgr Pelchat: «Les familles monoparentales -qui sont souvent des femmes avec un revenu moindre la plupart du temps, que celui des hommes pour des emplois semblables- avec enfants, sont très impactées par ce phénomène, et on peut parler d'une véritable crise alimentaire».

ONG et associations caritatives

Pour pallier cette précarité, de nombreux organismes communautaires soutenus souvent par l’Église, ou parfois même de façon individuelle par les chrétiens autour de leur communauté paroissiale, ont été mis sur pied, par des groupes «multireligieux» également. L’Église catholique lève des fonds pour financer cette aide, et il y a en fin de compte «beaucoup de solidarité» en direction des personnes en difficulté. Mais ce n’est pas suffisant. Les banques alimentaires manquent de stock. 71% d’entre elles disent avoir manqué de denrées par leurs sources habituelles d’approvisionnement.

L’évêque met en lumière un paradoxe: la crise n’a pas empêché les grandes entreprises du secteur de l’alimentation d’engendrer d’énormes bénéfices. Forte de ce constat, l’Assemblée des évêques catholiques du Québec a apporté son soutien à une pétition adressée au gouvernement, pour taxer davantage les profits des entreprises du secteur alimentaire, afin de redistribuer la taxe prélevée aux banques alimentaires et aux cuisines collectives. Ces cuisines, précise Mgr Pelchat, ont un autre avantage: elles permettent de préparer des repas en grande quantité et à moindre coût, et en conséquence, toucher un plus grand nombre de bénéficiaires.


Le droit à l’alimentation

Dans leur déclaration publiée à quelques jours du 1er mai, fête des travailleurs et de Saint Joseph charpentier, les évêques québécois mentionnent le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966, et dont l’article 11 reconnait explicitement “le droit fondamental qu'a toute personne d'être à l'abri de la faim“. Le Canada ayant adhéré à ce texte des Nations-Unies en 1976, se doit, selon les évêques, de l’appliquer.

Ils reprochent cependant au gouvernement canadien de ne pas avoir ratifié le “Protocole facultatif“ de décembre 2008, se rapportant au pacte onusien. Protocole qui encadre d’éventuelles poursuites contre un État signataire en cas de violation des droits énoncés par le pacte. En d’autres termes, les pays qui ont ratifié le pacte, mais pas le protocole s’y référant, sont à l’abri de poursuites et les droits du pacte voient leur poids considérablement diminué. L’Église du Québec, continue Marc Pelchat, appuie «toutes les démarches qui sont faites actuellement» en faveur de l’élaboration d’une loi cadre qui remédierait à cette lacune, et qui conduirait à la ratification du protocole. «Nous souhaitons que nos gouvernements fassent un pas de plus dans la protection réelle et concrète de ce droit à l'alimentation et à une alimentation saine», insiste le président du Conseil Église et Société de l’épiscopat du Québec.


Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici

20 avril 2024, 14:13