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Un ancien captif aux mains des Saoudiens retrouve ses proches à Sanaa, lors de l'échange de prisonniers qui s'est déroulé sur trois jours mi-avril. Un ancien captif aux mains des Saoudiens retrouve ses proches à Sanaa, lors de l'échange de prisonniers qui s'est déroulé sur trois jours mi-avril.  Les dossiers de Radio Vatican

Un espoir de paix à nouveau permis au Yémen

Des pourparlers visant à relancer la trêve et à jeter les bases d'un cessez-le-feu durable commenceront prochainement entre les parties prenantes au conflit. Le principal allié du gouvernement légitime, l'Arabie saoudite, qui vient de reprendre ses relations diplomatiques avec l'Iran - engagé aux cotés des Houthis, souhaite se désengager du pays après huit ans de guerre. Entretien avec Franck Mermier, chercheur au CNRS.

Marie Duhamel et Delphine Allaire - Cité du Vatican

Le Yémen, «une terre blessée par des années d’une guerre terrible et oubliée», rappelait le Pape lors de l’audience générale cette semaine. Les combats opposant depuis huit ans les rebelles houthis et le gouvernement reconnu par la communauté internationale et soutenu depuis 2015 par une coalition de dix pays sunnites, ont fait au moins 400 000 morts. Selon les Nations unies, quelques 21 millions de Yéménites ont actuellement besoin d’une aide d’urgence. Il leur est maintenant possible de se prendre à rêver.

Le pays connaît la plus longue période de calme relatif à ce jour. La trêve décrétée par les parties prenantes au conflit sous les auspices de l'ONU au printemps 2022 a expiré il y a six mois, mais elle continue de produire des résultats sur le terrain. Autres signes tangibles d’espoir: cette semaine, un échange de quelques 900 prisonniers a eu lieu à la faveur d’un accord trouvé en Suisse, tandis que la semaine passée, le chef politique des Houthis a accueilli une délégation saoudienne accompagnée d’un médiateur omanais. À l’issue de la rencontre, des négociations ont été annoncées. Elles commenceront après la fête de l’Aïd el-Fitr qui marque la fin du ramadan. Les deux parties discuteront d'une feuille de route prévoyant une trêve de six mois suivie de négociations sur une «transition» d'une durée de deux ans pour parvenir à une «solution politique durable et globale» a précisé sur Twitter l’ambassadeur saoudien au Yémen, Mohammed Al-Jaber.

Ryad a terni son image

Premier allié du gouvernement d’Aden, l’Arabie saoudite souhaite se désengager du conflit. Depuis leur intervention en mars 2015, les Saoudiens se sont enfoncés dans le bourbier yéménite. «Leur intervention militaire n’a pas eu les effets escomptés. Ils ont certes libéré une partie du sud du Yémen mais ils n’ont pas pu réinstaller le gouvernement légitime dans la capitale et leur image s’est écornée du fait de cette intervention militaire, car ils ont été accusés de détruire les infrastructures du Yémen et d’aggraver la crise humanitaire», explique l’anthropologue Franck Mermier, directeur de recherche au CNRS et directeur de l’ouvrage «Yémen: écrire la guerre» paru aux éditions Classiques Garnier.

Sur le terrain, juge-t-il, «l’Iran a gagné d’une certaine manière» car «son allié local, les Houthis sont toujours au pouvoir et contrôlent une grande partie du pays», sans avoir été défaits militairement. En outre, Téhéran a fourni des armes mais ne s’est pas impliqué directement sur le terrain contrairement à Ryad. L’Arabie saoudite n’en prend pas ombrage.

Début mars, les deux puissances régionales rivales annonçaient la reprise de leurs relations diplomatiques, rompues en 2016. En Chine, pays médiateur, les ministres des Affaires étrangères iranien et saoudien ont convenu le 6 avril dernier de travailler ensemble afin d'œuvrer à «la sécurité, la stabilité et la prospérité » au Moyen-Orient.

Des Houthis valorisés

Ce rapprochement entre les deux ennemis d’hier a «joué énormément pour que les Houthis acceptent d’être à la table des négociations d’autant plus qu’en échange ils ont  une forme de reconnaissance régionale et de facto internationale qui leur permet de conforter leur assise politique et le contrôle des territoires conquis», estime  Franck Mermier.

Lors des prochaines négociations, les Houthis devraient aborder la question des salaires impayés des fonctionnaires travaillant dans les zones sous leur contrôle. Ils souhaitent que le gouvernement légitime les paie. Cela permettrait à ces dizaines de milliers de personnes ainsi qu’à leurs familles de sortir de la misère. Les rebelles évoqueront également la levée des blocus du port d’Hodeïda et de l’aéroport de Sanaa, de quoi respirer, même si les Houthis ne sont pas «du tout isolés», souligne Franck Mermier, en raison d’une importante contrebande. Du côté du gouvernement en exil, il faudra aborder la levée du siège de la ville de Taëz affirme l’anthropologue.

Un pays qui restera morceler 

S’il ne se fait pas d’illusion, car «il y a encore beaucoup de travail à faire pour construire la confiance et faire des compromis» l’émissaire spécial de l’ONU pour le Yémen, Hans Grundberg, a estimé lundi dernier devant les membres du Conseil de sécurité que «nous n'avons pas vu une telle opportunité sérieuse pour faire des progrès pour mettre un terme à ce conflit depuis huit ans».

Évidemment, la question fondamentale en suspend reste celle de la formule politique de demain, estime Françk Mermier. Pour le chercheur, une réunification du Yémen est à exclure. Il estime que le morcellement entre les différents partis perdurera au moins quelques années, notamment en raison du soutien des Emirats arabes unis aux séparatistes du sud du pays -soutien qui leur permet de contrôler les côtes de l’océan Indien et d’assurer une continuité avec la Corne de l’Afrique où Abou Dhabi est très présent. 

Entretien avec Franck Mermier, spécialiste du Yémen au CNRS

 

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21 avril 2023, 14:02