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Moyard dans la province irlandaise de Connacht sur la côte ouest atlantique du pays. Moyard dans la province irlandaise de Connacht sur la côte ouest atlantique du pays.  

Le primat d’Irlande regrette la volonté d’amnistier les crimes des «Troubles»

L'archevêque d'Armagh et primat d'Irlande, Mgr Eamon Martin, a commenté l'annonce faite mercredi par le Premier ministre britannique d'amnistier les crimes de la guerre civile en Irlande. Loyalistes, républicains et associations de victimes rejettent aussi le projet, vingt-trois ans après la fin des «Troubles», qui ont fait quelque 3 500 morts.

«En ce moment douloureux, je demande des prières de réconfort pour les victimes de tous les côtés du conflit, et que la vérité et la justice prévalent dans l'intérêt du bien commun». Ainsi, dans une note, l'archevêque d'Armagh et primat d'Irlande, Mgr Eamon Martin, commente l'annonce, faite mercredi 14 juillet par le gouvernement britannique, d'une loi qui établira un délai de prescription pour les crimes commis "par toutes les parties" pendant ce que l’on appelle les "Troubles", c'est-à-dire les affrontements qui ont eu lieu entre 1968 et 1998 en Irlande du Nord entre ceux qui voulaient rejoindre la République d'Irlande et ceux qui voulaient rester au sein du Royaume-Uni.

Une confiance trahie pour les victimes

Cette période tragique a pris fin avec l'accord du Vendredi Saint. Il s'agit d'une décision qui, explique le président de l’épiscopat irlandais, sera perçue par de nombreuses victimes comme une trahison de la confiance qui les prive de justice, elles et leurs proches.  «Il est inquiétant, ajoute-t-il, que les victimes et les survivants, ceux qui ont payé le prix le plus élevé pour la paix fragile dont nous jouissons tous aujourd'hui, se sentent une fois de plus marginalisés et négligés».

Mgr Martin a poursuivi en se disant «particulièrement déçu par les commentaires naïfs du Premier ministre Boris Johnson à la Chambre des Communes, affirmant que cette proposition permettrait à l'Irlande du Nord d'en finir avec les 'Troubles' et de passer à autre chose». «S'attaquer à l'héritage de notre passé commun n'est pas une tâche facile», a souligné le primat irlandais. «C'est une entreprise complexe qui nous appartient à tous. Il n'y a pas de solution miracle et on ne peut pas le fermer comme ça, pour atténuer la douleur profonde encore portée par des années de violence, de mort et de blessures qui changent la vie».

La priorité d'une justice pénale

L'archevêque d'Armagh rappelle ensuite l'accord de Stormont House, signé en 2014 «avec la bonne volonté de toutes les parties»: il s'agissait d'un accord qui «cherchait à aborder notre héritage de manière collaborative et honnête, en respectant pleinement la contribution des victimes pour parvenir à un consensus». Il est donc «profondément décourageant», souligne Mgr Martin «de voir maintenant l'un des principaux signataires revenir sur cet engagement commun». 

 

Dans le même temps, Mgr Martin observe que «dès avril 2020, les évêques catholiques d'Irlande du Nord ont publié une déclaration critiquant l'approche du gouvernement britannique face à l'héritage du passé», préconisant «la poursuite continue d'une justice pénale, juridique et civile adéquate pour toutes les victimes», dont la «priorité» doit être «un point focal». L'Église catholique a également appelé à «un accès égal à la justice pour tous et à la réalisation d'une véritable réconciliation pour une paix juste et stable, dans un contexte transparent et équitable». Alors que le gouvernement britannique est aujourd'hui critiqué de toutes parts pour sa décision unilatérale, la sempiternelle question doit être posée: cui prodest, c'est-à-dire, à qui cela profite-t-il?, s’interroge Mgr Martin.

9 inculpés pour 20 ans de conflit

«Les propositions britanniques ne peuvent pas être la base d’une solution pour surmonter le passé et ne seront pas soutenues par les partis d’Irlande du Nord», a souligné de son côté Simon Coveney, ministre des affaires étrangères de la République d’Irlande.

Le Premier ministre d'Irlande du Nord n'a pas lui pas évoqué une «amnistie», mais une prescription pour les crimes de ces années-là, arguant de la nécessité de tourner la page, car les enquêtes menées jusqu'à présent ont peu de chances de traduire les responsables en justice.

Quelque 1 200 dossiers sont encore ouverts, et il faudrait encore 20 ans pour les traiter. Vingt ans de conflit ont fait 3 500 morts, mais jusqu'à présent, seules neuf personnes ont été inculpées et une seule condamnation a été prononcée. Récemment, le ministère public d'Irlande du Nord a annoncé son intention de retirer les poursuites engagées contre deux anciens soldats pour des meurtres commis en 1972.

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16 juillet 2021, 12:32